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Mon père, Louis de Gouyon, vécut d’abord à la Villejanvier avec Laurent et fut maire de Cournon. Ensuite, il épousa Melle de BLOIS et s’installa au Haut Sourdéac en Glénac (qu’il appelle seulement "Sourdéac"). Il fut alors maire de Glénac et exploita, après 1850, des mines de fer qui se trouvaient pratiquement sous la propriété. Cela ne porta pas chance à cette dernière : la maison s’effondra sans prévenir vers 1900 alors qu’elle appartenait à madame de Tonquédec, fille de l’oncle Armand. Celui-ci mourut fort âgé en 1892.
Pour faciliter l’étude des évènements qui vont suivre, il est nécessaire que nous fassions connaissance avec l’entourage du Haut-Sourdéac, c’est-à-dire, avec les familles qui habitaient dans un certain rayon. Nous allons commencer par Glénac.
Le vieux château de Sourdéac, appartenant aux de Rieux, n’était habité que par un procureur fiscal et, même les dernières années avant la Révolution, il ne l’était pas du tout. C’était un Hoeo La Valliere qui habitait au Boisjumel en Carentoir qui remplissait cette charge et qui venait seulement une fois la semaine donner audience.
Voilà, à peu près, la société que fréquentait ma famille avant la Révolution. Je ne m’étendrai donc pas plus loin.
Le genre de vie que menait la noblesse à cette époque était tout différent de ce qu’il est aujourd’hui. On ne s’occupait ni d’affaires ni d’agriculture aussi, en général, les fortunes étaient-elles loin d’augmenter. Le commerce était fermé à la noblesse pour la seule raison qu’un gentilhomme qui s’y livrait perdait ses privilèges et n’en rentrait en possession que lorsqu’il avait entièrement abandonné les affaires. L’amélioration des propriétés eût cependant été la seule ressource pour augmenter les fortunes, mais l’esprit du temps n’était pas tourné de ce côté
L’agitation continuelle et les plaisirs absorbaient toutes les idées et tous les capitaux. Puis, presque toutes les fortunes de la noblesse comptaient des fiefs dont les revenus ne payaient point d’impôts et arrivaient sans frais. Or l’argent qui arrive facilement est aussi facilement dépensé. Les ordres sacrés, l’armée et la marine étaient les seules carrières ouvertes aux cadets. On pouvait y acquérir beaucoup d’honneur et de gloire, mais il n’y avait que les favorisés de la fortune qui pouvaient arriver aux grades élevés, attendu que les régiments et les compagnies s’achetaient. Aussi la majeure partie des officiers se retiraient avec la modique pension de capitaine. On voit que cette carrière honorable ne pouvait que rarement procurer la fortune.
Les habitants des châteaux se voyaient fréquemment et sans cérémonie. On allait toute une famille passer une semaine entière chez des voisins, à titre de revanche. C’étaient des parties de plaisir continuelles. On faisait, en général, assez bonne chère. Les grands-parents jouaient le boston ou le reversis et la jeunesse aux barres, à la boule et aux quilles; pendant le jour, on allait recruter des danseurs pour le soir. La danse finie, on se retirait dans les chambrées, les dames d’un côté, les messieurs de l’autre. On dédoublait les lits. Une paillasse par terre et un matelas était réputé un lit excellent pour la jeunesse et, si les convives étaient trop nombreux, les jeunes gens allaient au grenier à foin et tout était dit.
Vous vous étonnerez, peut-être, qu’à cette époque où il n’y avait pas dans tout le pays, sauf les routes royales, un seul chemin praticable, on pût dans le fond des campagnes se réunir continuellement et en si grand nombre. Eh bien, c’était chose beaucoup plus simple qu’aujourd’hui quoique nous ayons chevaux et voitures. On prévenait un de ses fermiers de graisser sa charrette et de bien soigner ses bœufs, on jetait sur quelques cercles un drap bien blanc, on plaçait trois sacs de paille ou de foin en travers de la charrette, les dames montaient par devant, on faisait pour cela écarter un des bœufs, et les chambrières par derrière. La descente comme la montée s’opérait de même au moyen d’une chaise et d’un bras galant ou secourable. Quant aux hommes, ils montaient les petits chevaux du pays et le plus souvent à pied.
Voilà la vie que menait la noblesse avant et jusqu’à la Révolution. Cela s’appelait vivre noblement, c’est-à-dire ne faisant aucun commerce, ni n’exerçant aucune fonction dérogatoire qui put la priver de ses privilèges. Cependant , la culture de ses propres terres n’était pas regardée comme dérogatoire aussi, dans plusieurs anciennes maisons, on comptait des membres de la famille, cadets presque sans fortune qui vivaient comme des paysans. Cela ne les empêchait pas de porter l’épée et d’aller aux États comme les autres.
On les appelait les épées de fer. En revanche, ils désignaient la noblesse de robe par les « robins » et les riches parvenus par les charges achetées par le mot " les carrossiers ». Ils étaient invités, comme les autres, aux dîners et bals qui avaient lieu chez les autorités lors des tenues d’état.
Dans une pareille circonstance, un RADO de la CHOUANNIERE, qui frisait de très près l’épée de fer et qui ne passait pas pour un aigle, donna un coup de boutoir qui eût été un prodigieux succès dans tout le reste de la tenue des états de 1781 à Rennes.
Voici le fait.
À un grand dîner, chez l’intendant de la province, je crois, il se trouvait un assez grand nombre de carrossiers d’assez fraiche noblesse qui traitèrent le bonhomme RADO un peu cavalièrement à son entrée dans le salon. Il en fut piqué. Lorsqu’on passa dans la salle à manger, la maitresse de maison s’occupait de placer ses convives comme on faisait alors en les appelant par leur nom. M. le marquis, Mme la comtesse, M. le Vicomte, un tel, etc.
Le bonhomme qui se croyait, avec raison, de meilleure roche que la plupart d’entre eux, outre que le privilège de ses cheveux blancs lui donnait droit à certains égards, fut mortifié de voir qu’il ne serait pas placé comme il croyait devoir l’être. En conséquence , il s’assit à la place d’un autre que la maitresse de la maison désignait déjà du regard, en disant : " Au milieu de tant de comtes et de marquis, je vois qu’il n’y que moi de gentilhomme ici et je prends ma place." Ce fut un véritable coup de théâtre. Plus d’une figure s’allongea, d’autres se mordirent les lèvres. Le maître et la maitresse de maison se regardèrent fort déconcertés, mais que dire à un vieillard presqu’octogénaire. Tout le monde garda le silence et la gaieté du diner se ressentit de la mauvaise impression causée par la boutade du vieux Celte
Cependant, parmi les convives, il y en avait un certain nombre que cette sortie un peu rustique ne pouvait atteindre; ceux-là souriaient malignement en regardant ceux à qui elle s’adressait.
Aussi, dans la soirée, tous les salons de Rennes connaissaient cette petite scène. On riait beaucoup de la jeunesse mordante du propos et de la déconvenue des personnes à qui il était adressé. On peut dire que le bonhomme RADO revint à sa Chouannière sans se douter qu’il était l’homme dont on s’occupait le plus aux états de Bretagne.
C’est peut-être ici la place de vous expliquer à qui s’appliquait particulièrement l’épithète de Carrossiers. La noblesse de fortune moyenne et les épées de fer ne désignaient point ainsi tous les membres riches de la noblesse. Cette dénomination s’appliquait aux familles anoblies récemment par les charges qui s’achetaient et qui, sortant généralement du haut commerce, étaient fort riches. Lorsqu’un négociant se trouvait assez riche pour quitter les affaires, il tâchait d’acheter une charge soit à la chancellerie, soit à la cour des comptes, ou de se faire nommer échevin de la ville de Nantes, qui avait le privilège de conférer la noblesse. La noblesse d’épée plus ancienne avait coutume de dire : " Noblesse d’épée vaut mieux que noblesse de robe ".
En effet, les lettres patentes instituées par François II en 1559 avaient leur raison d’être, mais les rois battirent monnaie et en abusèrent si bien qu’il y eut de fortes réclamations lors des dernières réformations et Louis XIV fut obligé de retirer certains titres, mais il ne rendit pas l’argent. Sous Louis XV, ce fut bien pire encore. Là comme ailleurs, il fallait des réformes.
Dans le clergé, il s’était aussi glissé de grands abus. Je ne veux pas m’étendre là-dessus; je n’en citerai qu’un seul qui porta la désorganisation et souvent la démoralisation dans les communautés d’hommes, je veux parler de la commande, c’est-à-dire que la nomination des abbés portant crosse et mitre étant réservée au roi comme celle des évêques, il arriva souvent que les rois nommèrent leurs créatures, même des gens qui n’avaient d’abbé que le nom, qui ne mettaient jamais les pieds dans leurs couvents dont ils se bornaient à toucher le 1/3 du revenu. La plupart, cependant, étaient ecclésiastiques, mais ne pouvaient pas davantage résider, étant déjà pourvus ailleurs. C’est ainsi que le dernier abbé des Bénédictins de Redon fut un évêque de Verdun. Je ne pense pas qu’il n’y soit jamais venu.
Cela était sujet à de grands abus. Cet état de choses appelait de grandes réformes et Louis XVI les eût accomplies. Mais l’esprit français dépasse toujours le but et, au lieu de réformes sages, la démagogie fit table rase.
voir aussi : Château du Haut Sourdéac
Mariage de mon père – Portrait de M. FOUCHER, oncle, puis beau-frère de mon père.
Pendant les trois ans où nous avons laissé M. et Mme de FOUCHER et sa sœur à Plôermel, mon père avait eu plusieurs fois l’occasion de voir Melle de KERVEN chez son oncle (n’oublions pas que M. de FOUCHER était le demi-frère de sa mère). Il la trouvait fort à son goût, mais n’était pas encore décidé à la demander en mariage. La Providence qui avait des vues hâta cet événement en les rapprochant. Voici à quelle occasion.
La Révolution approchait, les événements marchaient, les esprits s’échauffaient de part et d’autre, la bourgeoisie ou le Tiers État était fort exalté. La maison voisine de celle de M. de FOUCHER à Plôermel avait un jardin, qui n’était séparé du sien que par une haie et le propriétaire était justement le chef du parti du Tiers dans cette ville. Or, un jour qu’il y avait réunion des plus marquants dans ce jardin, M. de FOUCHER qui les entendait et qui, peut-être, avait bien diné, osa s’écrier assez fort pour qu’on l’entendît : " Tiers, apporte-moi du papier pour torcher mon derrière." Cette insolence faillit le faire écharper. Il y eut en un clin d’œil un rassemblement tumultueux devant la maison et le père FOUCHER n’eut que le temps de filer, abandonnant ces dames et son enfant à la merci de la populace. Ces dames étaient aimées et le coupable, ayant pris la clef des champs, on finit par les laisser tranquilles
Pour lui, il courut toute la nuit et arriva le lendemain à Sourdéac chez sa sœur assez penaud, mais sans se vanter de sa malencontreuse affaire. Cependant , des lettres de Plôermel arrivèrent qui lui faisaient savoir qu’il ne fallait pas songer à y revenir. Heureusement, le Grand Clos, habité par un vieux prêtre retiré nommé M. MACÉ, se trouva libre par la retraite à Rennes de son propriétaire qui consentit à l’affermer à M. de FOUCHER, lequel ne tarda pas à l’acheter lorsque la mort de M. MACÉ arriva. Il s’empressa de s’y installer et d’y faire venir ces dames. Voilà comment ma mère se trouva amenée, pour ainsi dire, par la Providence à achever la connaissance de mon père et à devenir sa femme.
Le mariage eut lieu en 1790 et le nouveau ménage habita Sourdéac avec leur mère et les autres frères et sœurs. Les deux militaires FOUCHER, frères de celui du Grand Clos, continuèrent à y venir passer leurs semestres. J’aurai souvent l’occasion de vous en parler, mais surtout de l’aîné devenu le beau-frère de mon père, oncle qu’il était avant. Quoiqu’il eût soin de le lui rappeler de temps en temps, mon père ne le goutait guère et ne le respectait pas davantage. Il faut avouer que c’était un personnage assez drôle et je vais essayer de vous en faire le portrait. Il était de taille moyenne et d’un physique agréable. Il ne manquait pas d’esprit et de connaissance, mais avait un caractère léger et sans consistance avec un grand fond de vanité. Insolent quand il n’y voyait pas d’inconvénient, il devenait obséquieux dès qu’il avait la moindre chose à craindre. Il se vantait même de sa poltronnerie. À part des petits défauts, bon homme au fond.
Bavard et curieux à l’excès, toujours à l’affût des nouvelles, pour lui le dernier mot de la politique était la prudence. Quoiqu’il fût légitimiste au fond, il avait toujours refusé de se faire inscrire sur les listes électorales et il en voulut beaucoup à M. Armand de PIOGER qui, à la fin de la Restauration en 1829, lorsqu’il y avait besoin de toutes les forces du parti pour combattre la Révolution, l’avait fait inscrire d’office, à 74 ans. Quand il est mort, il n’avait encore que 15 ans pour la raison.
Je n’en finirais pas si je voulais vous raconter toutes les anecdotes dont il fut le héros. J’en raconterai pourtant quelques-unes au fur et à mesure de mon récit. Ce sera le meilleur moyen de vous le faire bien connaître.
En voici une qui aurait pu être tragique.
Quelque temps après, Auguste (le fantassin) partait pour Brest où il allait embarquer pour la Guadeloupe et Louis (l’artilleur) rejoignait son régiment à Rennes. Il se maria avec une demoiselle BOREL de BOTTEMONT, tante de M. de BOREL qui a habité Castellan et qui y est mort en 1859 ; il perdit sa femme au bout de cinq ou six mois de mariage.
Si je suis entré dans les considérations générales et les détails qui précèdent, c’est pour bien vous faire comprendre la position de chacun et l’état général du pays avant la Révolution. Je reprends les événements de famille où je les avais laissés.
L’artilleur FOUCHER étant devenu veuf au bout de quelques mois de mariage, pour faire diversion à sa douleur, ma mère l’invita à demander un congé et à venir passer quelque temps à Sourdéac. Pendant le séjour qu’il y fit, les événements politiques de la plus grande gravité étaient sur le point de s’accomplir. Des assassinats sur différents points en étaient le triste prélude
L’assassinat de deux jeunes gentilshommes à Rennes, Messieurs de BOISHUE et de SAINT-RIVEUL, provoqua dans la noblesse une grande effervescence. De toute part, on marcha sur Rennes où l’on devait se trouver en armes un jour donné. Mon père, le chevalier, l’artilleur FOUCHER, et leur voisin M. RADO de la CHOUANNIERE furent prévenus dans l’après-midi qui précéda le jour fixé. Ils firent à la hâte quelques préparatifs, cherchèrent des chevaux et résolurent de voyager toute la nuit, espérant arriver à Rennes le lendemain de bonne heure
Quoique l’on fût au mois de novembre, il avait fait assez sec et l’Aff était guéable. Ils passèrent donc cette rivière au gué de la Vallée et résolurent d’éviter les grands bourgs. Ils devaient prendre les landes de Sixt et de Bruc, se diriger vers Maure et ne prendre la grande route qu’à Pont-Réan. Mon père se fit fort de guider la caravane, mais il avait compté sans le brouillard qui, grâce à l’absence de la lune, fit une nuit tellement noire qu’on ne voyait pas à deux pas. Or, sur les landes où il n’existe aucun arbre ou édifice qui puisse servir de repère quand on ne peut voir à une certaine distance, tous les chemins se ressemblent et il est bien difficile de se conduire. Ils devaient en faire la triste épreuve. Ils marchaient depuis longtemps sans rencontrer aucun des points qui devaient leur servir de jalons. On s’arrêta, on tint conseil et mon père avoua ne plus savoir du tout où ils se trouvaient. Enfin, après avoir changé de direction plusieurs fois sans rencontrer une seule maison, ils virent un chemin qui leur paraissait plus battu que les autres et le prirent dans l’espérance qu’ils les conduiraient à quelque village.
Le jour s’annonçait déjà comme une lueur imperceptible quand ils arrivèrent à une ferme. Ils frappèrent à la porte et le fermier qui allait se lever quand il entendit leur voix les reconnut et vint leur ouvrir. Où sommes-nous, demande mon père. Ah ! Monsieur de GOUYON, vous le savez aussi bien que moi, vous voulez donc vous gausser de nous ? C’était le fermier du Tertre près la Villejanvier qui répondait ainsi. Ces messieurs restèrent stupéfaits. Ils avaient voyagé toute une nuit froide d’hiver pour se retrouver échinés au point de départ, lorsqu’ils se croyaient sur le point d’arriver à Rennes. Jugez de leur désappointement. Mais il fallait en prendre son parti, leurs chevaux étaient rendus et eux aussi. Ils reprirent donc le chemin de Sourdéac où ils s’empressèrent de se coucher pour réparer un peu leurs forces.
Quelques jours plus tard, vu la gravité des circonstances, M. de FOUCHER rejoignit son régiment. Les États, ou plutôt la réunion de la noblesse voyant la guerre civile éclater à Rennes, durent se réunir de nouveau à Saint-Brieuc. Mon père y alla avec un grand nombre de gentilshommes du pays. On y protesta contre les mesures révolutionnaires, mais les événements précipitaient rapidement la France vers l’anarchie.
En 1790, les princes quittèrent la France et se rendirent à Coblentz. Presque tous les jeunes gens de la Cour les suivirent. Le mot d’ordre fut donné partout et presque tous les jeunes gens et même les hommes mûrs en état de porter les armes les imitèrent. On forma un corps d’émigrés qu’on appela l’armée des princes. On partait le cœur gai en disant que, dans trois ou quatre mois, on rentrerait triomphant dans Paris. Tout le monde partageait cette illusion. Elle était en effet bien pardonnable.
L’armée avait par l’émigration perdu presque tous ses officiers, qu’on remplaçait à la hâte par des sergents qui, en quelques mois, furent improvisés officiers supérieurs et généraux ; et telle était l’excellente constitution de cette armée que plusieurs furent à la hauteur de leur nouvelle position et sont devenus des hommes de guerre remarquables. Du reste, l’illusion serait probablement devenue une réalité sans la trahison du roi de Prusse, comme on le verra tout à l’heure. Si les événements prouvèrent que l’émigration fut une faute, ça ne fut point une folie comme beaucoup l’ont dit ensuite.
Elle eut des conséquences funestes surtout pour les fortunes que l’État s’empressait de confisquer; mais il était tout simple que les nobles traqués en France comme des bêtes fauves cherchassent à se soustraire à un sort si affreux et l’honneur commandait à ces gentilshommes qui de droit étaient tous soldats de répondre à l’appel des princes pour travailler de concert au rétablissement de la royauté.
Mon père, le chevalier, son frère et son ami monsieur GUILLARD des AULNAYS dont les parents habitaient le Lindreuf en Caden, messieurs de QUELO père et fils de la Gaudinaye partirent pour l’armée des princes et y arrivèrent pour ainsi dire les premiers. Il en résulta que mon père, qui n’avait servi que dans la marine marchande, fut tout d’abord nommé sergent-major parce qu’on se servait, pour composer les cadres, de ce qu’on avait sous la main et qu’il connaissait assez la comptabilité, ce qui n’était pas le fort de la noblesse en ce temps-là. Les nouveaux arrivants étaient incorporés comme simples soldats et je lui ai entendu dire qu’au moment de l’entrée en campagne, il avait dans sa compagnie plusieurs officiers portant le sac sous ses ordres.
C’était en 1791. Mon père avait 26 ans et le chevalier 21. Mon père entra dans les gendarmes à cheval, mais comme son frère n’aimait pas le cheval, il entra dans les chasseurs nobles et ils furent séparés. Son ami des AULNAYS qui ne le quitta point de toute la guerre et qui fut tué comme lui dans les derniers combats entra aussi dans les chasseurs, ainsi que Messieurs de QUELO père et fils. Ce fut ce dernier qui rapporta à la famille le précieux manuscrit où le chevalier raconte ses aventures jour par jour et qu’il avait sur lui lorsqu’il fut frappé d’une balle à Oberkamlach. Il est dans les papiers de famille.
Cette armée entra en campagne, formant l’avant-garde de l’armée prussienne. Elle arriva de succès en succès jusqu’au-delà de Verdun; les premiers avant-postes des émigrés n’étaient plus qu’à 45 lieues de Paris. Tout le monde considérait la Révolution comme finie et elle l’était bien certainement si la marche de l’armée eût continué; mais les meneurs de la Révolution connaissaient l’avarice du roi de Prusse, allèrent à sa rencontre munis des diamants de la Couronne de France et achetèrent la paix qui fut conclue à Verdun.
Je n’entreprendrai pas de décrire la douleur, la rage et les malédictions qui éclatèrent contre le roi de Prusse tant l’armée des princes que dans toutes les classes honnêtes en France
Le coup était d’autant plus terrible qu’il était imprévu et que tout le monde, au contraire, se réjouissait du rétablissement de l’ordre, ce qui fut indubitablement arrivé sans cette cupide trahison. Au reste, la Prusse l’a payée bien cher plus tard, car l’empereur Napoléon qui avait cette nation en horreur la pressura de toutes les manières et sous toutes les formes.
Les pauvres émigrés furent donc obligés de battre en retraite en maugréant. Arrivés en Prusse, ils furent tout simplement licenciés et seraient morts de faim si la Russie et l’Autriche n’en eussent pris un grand nombre à leur service. Ils furent si bien traités, surtout ceux qui passèrent en Russie, que plusieurs dépouillés de leurs biens en France ne rentrèrent pas et remplirent, dans ces pays, de très hautes positions
Mon père et son frère le chevalier n’eurent pas cette bonne inspiration. Le premier passa en Angleterre et même à Jersey pour se rapprocher de la Bretagne où il espérait rentrer. Il passa d’abord à Londres et s’associa à deux autres officiers de marine pour acheter une barque en commun et faire le métier de pêcheurs. Il donna aussi des leçons de danse à Jersey. Quant au chevalier, il resta en Allemagne avec ses amis QUELO et des AULNAYS et ils vécurent fort misérablement, attendant toujours une nouvelle campagne
Avant de terminer ce chapitre, il faut que je vous parle de l’artilleur FOUCHER. Nous l’avons vu quitter Sourdéac avant l’expiration de son congé à cause des événements politiques. Lorsqu’il arriva à son régiment, plusieurs officiers avaient déjà quitté le service. En rentrant, il se trouva capitaine. Malgré cela, il voulait donner sa démission et émigrer, mais le manque d’argent l’en empêcha d’abord, puis les grades venant rapidement, cela lui devint de jour en jour plus difficile, car on exerçait une grande surveillance sur les chances de la fortune. Elle le servit bien puisqu’il fit plus tard général sous l’Empire et sous la Restauration. Nous allons donc le perdre de vue pendant longtemps et aller retrouver ces dames que nous avons laissées seules à Sourdéac après le départ des émigrés.
Mon père et le Chevalier partis avaient laissé ces dames sous le coup d’une vive douleur, car on avait beau se dire que, dans quelques mois, l’armée des princes entrerait à Paris et rétablirait l’ordre et le pouvoir du roi, ils n’étaient pas exposés aux hasards d’une guerre qui, quoique courte, pouvait être très meurtrière. Comme on le pense bien, le gouvernement cachait à la France le plus possible le succès des émigrés, mais on le connaissait néanmoins et on vivait dans l’espérance d’apprendre d’un jour à l’autre leur entrée dans Paris
Quelle ne fut donc pas la stupéfaction générale quand on apprit que l’armée victorieuse des émigrés battait en retraite sans avoir éprouvé le moindre échec. On ne s’expliquait pas ce changement subit. Le mot de trahison fut bien prononcé, mais on ne savait encore à qui l’appliquer. Plus tard, quand on connut l’énormité de ce malheur, le découragement s’empara de tous les esprits
Ce fut après cette malheureuse trahison que commencèrent les arrestations, les visites domiciliaires et les tracasseries de tous genres. Aussi l’émigration recommença sur la plus grande échelle. Ce n’étaient plus seulement des hommes qui allaient servir le roi en rejoignant l’armée des princes. C’étaient des familles entières avec les femmes et les enfants qui fuyaient une patrie où leurs jours étaient menacés.
C’est ici le moment de parler des différentes familles du pays, de celles qui émigrèrent comme celles qui restèrent, soit qu’elles s’y décidassent de leur pleine volonté, soit qu’elles n’en eussent pas les moyens. On comprend en effet qu’il fallait pour cela beaucoup d’argent comptant et l’on ne pouvait pas emprunter, car, comme à toutes les époques de perturbations politiques, les capitaux se resserraient et le taux de l’argent devenait énorme. Quoique bien effrayées des événements, ces dames restèrent à Sourdéac.
Le clergé des paroisses était resté jusque-là à son poste sans prendre part à l’émigration, mais le 27 novembre 1790 parut la fameuse constitution civile du clergé qui ne reçut point l’approbation du pape. On obligea les ecclésiastiques à prêter le serment à cette constitution qui était un véritable schisme. Presque tous refusèrent et furent traités de réfractaires et d’intrus et bientôt poursuivis.
Peu de temps après, le Morbihan fut le premier département de l’Ouest à protester en armes contre ce décret impie. Il a donc l’honneur des prémices de la résistance à la République, quoiqu’il ait été plus tard bien dépassé par la Vendée. Voici ce qui se passa.
Monseigneur AMELOT, évêque de Vannes, avait refusé le serment; quelques vauriens prétendus patriotes le forcèrent à arborer la cocarde tricolore. Le bruit se répandit dans les campagnes que l’évêque était prisonnier. Aussitôt un rassemblement de plusieurs milliers d’hommes se forma aux portes de la ville et remit une réclamation pour la liberté des cultes. On leur opposa quelques troupes de ligne et la garde nationale. Ils se retirèrent en disant qu’ils viendraient chercher la réponse.
Les révolutionnaires de Vannes furent très effrayés. Un courrier fut expédié à Lorient, d’où on envoya des troupes, de l’artillerie et les fameux dragons rouges de Beysser, espèces de garde nationale à cheval formée par cet ardent révolutionnaire. Les paysans qui avaient connaissance de ce déploiement de force militaire eurent cependant la sottise de tenir leur parole. Six jours après, ils arrivèrent du côté d’Elven au nombre de 4000 armés de fusils de chasse, de fourches et de bâtons. Les troupes de Vannes en furent prévenues de bonne heure et eurent le temps de prendre leurs dispositions. La rencontre eut lieu à peu de distance de la ville; on ne parlementa point, les coups de fusils partirent des deux côtés. Les paysans s’abritèrent derrière les fossés et tiraillèrent assez longtemps, mais les dragons finirent par les mettre en fuite et les poursuivirent. Il y eut des morts et des blessés de part et d’autre et quelques prisonniers furent amenés à Vannes.
Je vous cite ceci parce que c’est le premier acte de résistance armée contre la Révolution. On peut dire que c’est la guerre de Vendée et la Chouannerie qui commencent. Il y avait sans doute des chefs. On ne les connut pas d’abord, mais on croit que messieurs de la HAYE et de FRAUCHEVILLE n’étaient pas étrangers à ce mouvement.
A la suite de tout ceci, un grand nombre d’ecclésiastiques fut forcé de prendre le chemin de l’exil; ceux qui restèrent dans le pays se cachèrent sous divers déguisements. C’est à partir de ce moment que la Révolution institua des évêques et des prêtres constitutionnels qu’on appela communément jureurs.
Nous sommes maintenant en pleine révolution. Je ne suivrai sa marche qu’en ce qui concerne mon récit, c’est-à-dire, en ce qui se rapporte à ma famille.
Comme je l’ai dit, les émigrés après la paix de Verdun, qui ne fut pas longue, se divisèrent. Mon père, qui parlait assez bien l’anglais, retourna en Angleterre où il gagna sa vie comme pêcheur et en donnant quelques leçons de danse. C’est pendant ce séjour en Angleterre qu’il fut assez heureux pour sauver la vie à monsieur de la FRUGLAYE de Kerauroux qui se noyait. Un jour, se promenant au bord de la mer, il entendit des cris en français; c’était M. de la FRUGLAYE qui allait se noyer. Mon père, ancien marin, nageait fort bien. Il n’hésita pas à se jeter à l’eau et à le ramener à bord. Il ne le connaissait pas alors. Je savais cette aventure, mais je l’ai depuis entendue raconter à M. de la FRUGLAYE lui-même à Kerauroux.
Quelle force de caractère les émigrés français ont montrée partout où l’exil les a conduits ! Ils savaient se suffire à eux-mêmes. On a vu des personnes délicates et habituées aux douceurs de la vie confortable et opulente se plier en riant à des travaux au-dessus de leurs forces et faire l’admiration des peuples chez lesquels l’adversité les avait jetés.
Par exemple, le marquis de KEROUARTZ, père de votre tante Elisa, qui avait un véritable talent, donna des leçons de dessin; M. de LAMBILLY de Redon, le figurant au quadrille Beauharnais, donna des leçons de danse; les JACQUELOT du BOISROUVRAY avaient monté un atelier ou petite fabrique de parapluies (M. DUCHESNE y travailla). Je n’en finirais pas de vous citer des exemples pareils. Toujours est-il que la noblesse française, pendant cette terrible épreuve que lui envoya la Providence, se montra plus forte que ses malheurs. On ne la vit jamais tendre la main; elle préféra toujours le travail.
Le Chevalier et ses compagnons, MM. de QUELO et des AULNAYS, étaient restés en Allemagne espérant reprendre du service. L’armée de Condé ne se reconstituant point encore, ils se trouvèrent dans la plus affreuse misère. Dans ces conditions, mon oncle et son ami des AULNAYS se laissèrent prendre aux belles paroles d’un sergent qui recrutait dans les Pays-Bas pour le compte de l’Espagne et qui leur promettait un brevet d’officier dans les gardes wallonnes. Ils partirent donc pour l’Espagne à destination de Bilbao où ils arrivèrent après une très dure traversée, mangés de vermine et fort mal traités. Dans l’intervalle, l’Espagne ayant fait la paix avec la France, ils furent gardés comme des espèces de prisonniers de guerre et loin d’avoir égard à leurs réclamations par rapport à leurs engagements, on les parqua sur la paille dans une vieille église où ils mouraient de froid.
Ayant appris qu’un assez grand nombre d’émigrés français, tant prêtres que laïques, se trouvaient dans cette ville, ils eurent l’idée de placarder leurs noms et leurs pays sur la porte, et un prêtre breton, ayant remarqué ces noms, vint les voir et leur apprit que plusieurs dames de leur connaissance se trouvaient à Bilbao et qu’ils auraient pu se racheter du service d’Espagne, mais ils n’avaient pas un sou, ni le moindre moyen de s’en procurer.
Il se trouva que Mme des AULNAYS, la marquise de CASTELLAN, Melle de LAMBILLY et plusieurs autres de leur connaissance faisaient partie de la colonie de Bilbao, ainsi qu’un assez grand nombre de prêtres bretons. Ils se cotisèrent pour les racheter. Il y avait aussi avec eux un du PLESSIS de GRÉNÉDAN qui retrouva là sa tante de GOUVELLO.
On se les partagea et ils vécurent quelque temps dans cette petite colonie, attendant une occasion de retourner à l’armée des princes. Le Chevalier fut reçu par la marquise de CASTELLAN dont il fait un grand éloge dans ses mémoires. Melle de LAMBILLY habitait aussi chez elle avec sa nièce Melle LEVALLOIS de SEREAC, aux charmes de laquelle notre jeune chevalier se laissa prendre avec toute l’ardeur d’une première passion. Il le raconte lui-même tout naïvement dans ses mémoires. Cela rendait la position difficile. Il dut donc saisir la première occasion de partir qui lui fut offerte et il repassa en Angleterre et, de là, en Allemagne avec son ami des AULNAYS. Ils furent incorporés dans les chasseurs nobles de l’armée de Condé où ils retrouvèrent les QUELO. Ils firent toutes les campagnes et furent tués tous les deux, dans la dernière, à Oberkamlach sur la frontière au moment de rentrer en France.
Le jeune de QUELO dont le père était mort précédemment se trouvait à côté du Chevalier quand il fut frappé. Voici ce qu’il a lui-même raconté à la famille à son retour : « Nous étions en tirailleurs. Tout à coup, je le vis tomber frapper d’une balle. » J’avais remarqué qu’il tenait un journal. Pensant qu’il le destinait à sa famille, je m’en saisis et vous l’apporte .Ce journal est fort curieux. Quoique le Chevalier n’eût que 27 ans puisqu’il est mort en 1796, cet écrit est rempli d’appréciations qui feraient honneur à un homme mûr. Il donne une juste idée des sentiments d’honneur qui animaient alors la noblesse, joints aux sentiments les plus chrétiens.
Il eut tant à souffrir sur la terre étrangère que ses mémoires sont empreintes d’un bout à l’autre du regret d’avoir quitté sa famille. Il ne s’en console qu’en pensant qu’il obéissait à la voix de l‘honneur, mais il conseille à ceux qui, dans la suite, pourraient se trouver dans les mêmes circonstances de ne pas l’imiter. Il vaut mieux se défendre dans son pays, si l’on a des ennemis, on y a aussi des amis; enfin, si l’on meurt, c’est sur la terre natale et pour la défense de ce qu’il y a de plus sacré.
Dans ce chapitre, je n’ai point tenu compte des dates, puisque nous voici à la fin de l’émigration. Mais je devais le faire pour terminer l’histoire de mon oncle, le Chevalier, dont je n’aurai plus à m’occuper désormais. Je reprends donc mon récit.
Après l’échauffourée des paysans des environs de Vannes, la persécution contre les prêtres commença et celle déjà commencée contre les royalistes et les parents d’émigrés redoubla de rigueur.
Les visites domiciliaires, soit par les agents de districts, par la force armée ou les colonnes mobiles, soit par les patriotes de La Gacilly, se succédèrent dans le pays. Il ne se passait pas de mois sans qu’il y eût au moins une et chacune d’elles était marquée par quelque acte de pillage. La première fois qu’ils vinrent à Sourdéac, ils emportèrent 3 couverts d’argent et du grain, et chaque fois ils faisaient main basse sur le liquide. Le vin fut porté dans la cave du rocher (aujourd’hui détruite par l’exploitation du minerai) et l’on apportait à la maison qu’une minime quantité à la fois. L’entrée de cette cave était dissimulée par des fagots entre lesquels un chemin avait été ménagé. Mais ils ne tardèrent pas à s’en apercevoir et tout fut bu ou pillé.
Le bien des émigrés mis d’abord sous séquestre ne tarda pas à être confisqué et vendu
Pendant le séquestre, le gouvernement s’en adjugeait la rente, de sorte qu’à tout instant les parents d’émigrés avaient, sur le dos, les agents du fisc. Ils vous forçaient aussi à faire le partage du mobilier qui était vendu. Ces agents se faisaient accompagner d’une certaine force armée qui ne se retirait jamais les mains vides
Enfin, le gouvernement força les familles à faire le partage des biens avec ceux de leurs membres qui avaient émigré, s’empara de leur part et la fit vendre. Les révolutionnaires du pays et surtout les Gaciliens s’en réjouissaient, ils allaient enfin s’enrichir à bon marché
Le jour de la vente des biens de mon père et de son frère le Chevalier était fixé au tribunal de Vannes. Heureusement pour notre famille que les meneurs qui avaient acheté précédemment le bien des de RIEUX et de quelques autres familles estimèrent en avoir assez pour le moment. En effet, les chouans usaient de représailles et avaient déjà fait quelques exemples qui répandirent la crainte parmi les acquéreurs. Ma famille avait connaissance de l’état des esprits et résolut d’en profiter. En conséquence, au lieu de charger un tiers de cette acquisition, Marie qui fut plus tard Mme DUCHESNE, fille d’ environ 28 ans, d’une grande capacité et d’un caractère qui ne se laissait pas intimider, résolut de se présenter au tribunal au milieu de tous ces fougueux révolutionnaires et de se rendre adjudicataire du bien de ses frères. On lui fit toutes les observations possibles, mais tout fut inutile, son parti était pris.
Il fallait se procurer de l’argent, ce qui n’était pas chose facile à cette terrible époque. Les biens de mon père et ceux du Chevalier avaient été mis à prix à quarante-cinq mille francs. Elle partit seule à cheval , accompagnée d’un domestique par les chemins de traverse jusqu’au Petit-Molac. À son arrivée à Vannes, elle se mit en quête pour trouver l’argent, au cas où elle serait adjudicataire. Elle y réussit et deux jours après, au jour fixé pour la vente, elle se présenta bravement devant les tribunaux.
Son nom fut connu de quelques triporteurs qui faisaient cette triste spéculation; elle leur imposa si bien qu’aucun n’osa mettre sur elle. Elle eut donc le bien pour une simple enchère et comme les assignats, quoique monnaie légale, étaient fort dépréciés, elle put se procurer la somme en papier pour 3000 livres en espèces et la compta à l’enregistrement. Vous voyez que, grâce à son sang-froid, la famille en a été quitte assez bon marché.
Dans un pareil temps, c’était vraiment un acte de courage qui n’était pas sans danger, même pour une femme. Il suffisait d’un mot pour vous envoyer en prison et de là, à l’échafaud. Nous lui devons donc non seulement notre admiration, mais même une grande reconnaissance pour avoir sauvé une partie de notre fortune. La part du mobilier fut aussi vendue à la maison. Pas un habitant de Glénac ne se présenta et la famille racheta le tout au prix de l’estimation.
Toutes les familles d’émigrés n’avaient pas envisagé la situation d’une manière aussi juste. Beaucoup conservaient encore l’espoir, même après la paix de Verdun, de voir sous très peu de temps la contre-révolution. C’était si fort chez quelques personnes qu’elles désiraient une plus grande somme de déprédations, estimant devoir en être bientôt remboursées au centuple.
En effet, que de peine la Restauration n’eut-elle pas à faire voter l’indemnité, si faible qu’elle pût paraître à plusieurs. Il y a des choses inévitables qu’il faut prévoir et la prudence commande de tirer le meilleur parti possible des circonstances où l’on se trouve
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