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surtout en les comparant à la vie de misère et aventureuse qu’ils avaient menée pendant la Révolution. Les guerres, il est vrai, étaient continuelles, mais cette triste phase ne les atteignait guère que moralement; ils n’avaient pas d’enfants en âge d’entrer dans les armées. Le général de FOUCHER seul les intéressait comme parent.
Les premières années de leur séjour à la Villejanvier ne nous offrent que des événements peu remarquables; je vais cependant jeter un coup d’œil rapide sur l’ensemble du pays pendant cette période.
Fatiguées de la Révolution et de ses horreurs, les populations avaient salué l’Empereur comme un sauveur. En effet, en rétablissant l’ordre et la sécurité des personnes, il leur rendait aussi leur culte; c’étaient de grands titres à leur reconnaissance. L’enthousiasme ne cessa que lorsqu’on vit que la guerre était son élément et que tout, dans son gouvernement, ne tendait qu’à cela.
La conscription, l’impôt du sang, fonctionnait sans relâche. Un jeune homme qui partait ne pouvait pas dire, comme aujourd’hui : " S’il ne m’arrive pas malheur, je reviendrai dans sept ans." À cette époque, il n’y avait pas de temps limité pour la durée du service, l’empereur vous gardait tant qu’il voulait. Quelquefois, après un traité de paix, on donnait quelques congés définitifs, mais ça n’était guère qu’aux blessés, infirmes ou malades, et longtemps avant la chute de l’Empereur, les populations étaient bien lasses de cet état de choses complètement arbitraire.
À la réouverture des églises, Cournon fut adjoint à La Gacilly pour le spirituel. Il n’y avait qu’un prêtre, c’était M. JOUBAUD TUBAULT qui avait d’abord fait le serment constitutionnel (c’était donc ce qu’on appelait un prêtre jureur), mais il s’était rétracté. Monseigneur de PANCEMONT, évêque de Vannes, ne jugea pas à propos de le laisser seul. Il fut envoyé dans une autre paroisse. On envoya à La Gacilly-Cournon un prêtre qui rentrait de l’émigration, un gentilhomme, M. de la BOEXIERE DE LA VILLE ELOY. Il connaissait La Gacilly et ne se souciait pas d’avoir trop de frottement avec les habitants. Comme Cournon était aussi sa paroisse, il pensa qu’il avait le droit de résider à son choix dans l’une ou dans l’autre. Il choisit Cournon et, comme il n’y avait pas de presbytère ni dans l’un ni dans l’autre endroit, il s’installa à la Croix, dans la maison qui sert de cuisine au presbytère actuel. Il disait tous les jours la messe à Cournon et, le dimanche, il allait dire la grand’messe à la Gacilly. Il ne resta que peu de temps. Bientôt, il fut nommé doyen de Péaule, très belle cure où il est mort quelques années après.
Il fut remplacé par M. GUIHO qui entreprit la construction d’un presbytère à Cournon. Mon père donna conditionnellement pour cette construction une partie du courtil de la ferme de la Cour de Cournon où l’on voit encore une excavation que les broussailles et quelques chênes venus naturellement ont envahie. Mais M. GUIHO, ayant été envoyé dans une autre paroisse et Cournon ayant été de nouveau adjoint à la Gacilly pour le spirituel, mon père reprit son courtil et les travaux en restèrent là.
La Gacilly ayant acheté le presbytère actuel, l’évêque y envoya M. LE CHENE, ancien émigré, qui administra les deux paroisses. On manquait tout à fait de sujets et Cournon ne fut érigé en paroisse qu’en 1820, époque où on lui envoya M. ROZELLIER comme desservant au recteur.
Glénac, à la réouverture des églises, fut administré par un M. MÉNAGER, ancien chapelain de la Forêt-Neuve, puis par un ancien chartreux qui est mort vicaire de la Chapelle-Gaceline. Enfin, après le Concordat, on envoya à Glénac M. COUÉ DE LA TOUCHE, celui que vous avez vu dans la cachette avec mon père à Sourdéac. C’était un homme du monde et fort aimable. Il est mort recteur de Caden.
Comme vous le voyez, les paroisses n’étaient pas pourvues de prêtres comme aujourd’hui, aussi c’était une misère et un véritable mérite que d’aller le dimanche chercher une première messe. Glénac a été longtemps à Bains; plus tard, aux Fougerêts. Cournon et La Gacilly allaient à la Chapelle-Gaceline. Je me rappelle y avoir été une fois dans mon enfance; pour moi, c’était une partie de plaisir. Les chemins étaient impraticables; il n’y avait de routes nulle part. Dans l’hiver, il fallait partir longtemps avant le jour. Le jour où j’y fus, je me souviens que la petite chapelle était comble ainsi que le petit cimetière qui l’entourait. En effet, on venait de toutes les paroisses environnantes où il n’y avait qu’un prêtre. Cet état de choses a subsisté jusqu’en 1815 ou 1816, époque où Sixt eut un vicaire; La Gacilly n’eut le sien que vers 1822 ou 1823.
Cette pénurie de prêtres n’a rien qui étonne, si l’on réfléchit qu’au rétablissement du culte il n’y avait, pour remplir toutes les fonctions ecclésiastiques, que des prêtres d’avant la Révolution, pendant laquelle il n’y avait ni collèges ni séminaires. Il ne fut ordonné que quelques rares sujets par les évêques non émigrés qui se cachaient. Si on défalque encore tous ceux qui moururent pendant cette terrible époque, soit naturellement, soit sur les échafauds et dans les noyades, on verra que les deux cinquièmes au moins du clergé avaient disparu. Il fallut donc plusieurs années pour remettre les choses en état et cependant on faisait flèche de tout bois, c’est-à-dire qu’on passait assez facilement sur le degré d’instruction, pourvu que les sujets fussent pieux. Aussi, à cette époque, vit-on plusieurs prêtres à qui, dans un temps ordinaire, on n’aurait pas donné charge d’âmes à cause de leur simplicité. De ce nombre, par exemple, était M. ROZELLIER, le recteur de Cournon, très saint homme à coup sûr, mais d’une nature tellement simple qu’il prêtait à rire sous plusieurs rapports. Ce serait le lieu de vous faire son portrait en racontant ici quelques anecdotes qui vous le feront connaître.
Monsieur ROZELLIER était certainement une nature à part, simple comme un enfant et pourtant ne manquant pas d’instruction; il aimait les lettres et même se laissait parfois aller à versifier. Mais quel style, Grand Dieu ! pour un disciple d’Apollon. À sa mort, ses confrères mirent la main sur ses œuvres qui auraient pu prêter à rire et les jetèrent au feu. Mais j’ai souvenance de quelques échantillons qui pourront permettre de juger du reste. Le père ROZELLIER avait une vingtaine d’années quand la Révolution éclata et il finissait ses études avec l’intention d’entrer dans le sacerdoce lorsque la conscription lui mit dans les mains un fusil au lieu d’un bréviaire. Il était d’une famille de cultivateurs de la commune de Guillac près de Josselin, sur le territoire sur lequel est élevée la pyramide de Mi-Voie en l’honneur du Combat des Trente. Mais, comme on va le voir, sa valeur était d’une toute autre nature que celle de ces preux. Toujours est-il qu’un beau matin, il fut forcé de rejoindre Vannes, où ses nouveaux confrères s’amusèrent fort de sa simplicité et commencèrent à s’égayer à ses dépens. Ils le menèrent entre autres au spectacle qui devait en ce moment être assez épicé pour un écolier de sa trempe. Quand on lui demandait ce qu’il y avait vu, il prenait un air de mystère et finissait par dire : " Il vint un jeune homme et une jeune fille… ils se parlèrent dans l’oreille… il y a bien de la malice là-dessous."
Cependant, les conscrits furent dirigés sur Rennes où ils devaient être définitivement incorporés. La plupart étaient des paysans bretons qui gardaient leur foi en Dieu, leur sympathie pour le Roi et leur haine pour la République. Ils convinrent de déserter et de passer aux Chouans. Ils n’avaient pas le choix des moyens, chacun mit donc la main au gousset et, comme ils se rafraîchissaient dans une modeste auberge aux environs d’Elven, en plein pays de Chouannerie, ils enivrèrent les soldats qui les conduisaient et prirent la clef des champs. Et voilà comment le père ROZELLIER devint soldat. À cause de son instruction, on lui donna un grade, pas bien élevé, je pense, probablement les galons de caporal. Au reste, le bonhomme n’avait jamais bien su au juste lequel : " Ils disaient que j’étais général … ou caporal … je n’en sais trop rien. " Il vit le feu plusieurs fois, assez malgré lui, selon toute apparence. Il assista notamment au combat de Grand-Champ où les royalistes, en trop petit nombre, furent écrasés.
Plus tard, il le chanta dans un poème qui commençait ainsi :
La prosodie n’avait pas grand-chose à voir dans ses compositions poétiques. Il aimait à narrer ses aventures et il n’y mettait pas de malice à coup sûr, car voilà comment il terminait l’épisode du Combat de Grand-Champ : " Quand je vis que ça prenait cette tournure-là, je criai à mes hommes : sauve qui peut ! " Et il ajoutait avec cette conviction profonde, malgré le rire de ses auditeurs : " Je sauvai l’armée, Messieurs, sans cela pas un n’en fut revenu."
Au rétablissement du culte, M. ROZELLIER entra au séminaire et, malgré sa simplicité, comme on manquait de sujets et que c’était, du reste, un saint homme, on le fit prêtre et on lui confia la modeste église de Cournon où ses naïvetés avaient moins d’inconvénients au milieu d’un auditoire presque exclusivement composé d’illettrés. Cependant, les habitants de la Villejanvier, avec lesquels du reste il était au mieux, eurent plus d’une fois l’occasion de combattre le fou rire à l’occasion de ses sermons ou en causant avec lui.
La vieille église de Cournon n’était qu’une chapelle, dont une partie, noire et basse comme une cave et séparée par une voûte, était l’ancien enfeu des seigneurs de la Villejanvier. La Révolution ayant passé là-dessus, il ne restait guère que les quatre murs, deux autels, de vieilles boiseries délabrées et une demi-douzaine de saints en bois, dont quelques-uns si grotesques qu’il fallut les mettre à la réforme. On n’en conservera que deux ou trois, dont la statue de Saint-Amand, patron de la paroisse, la même que nous avons vue renversée par Trémoureux pendant la Terreur. Le reste fut badigeonné avec grand renfort de dorure et toutes les couleurs de l’arc-en-ciel par un peintre de Rochefort nommé Simon. À cette occasion, M. ROZELLIER lui donna un certificat en vers, dont voici les principaux
Le fait est que la peinture était bonne et la dorure aussi, car elles ont tenu jusqu’à ce jour (1880) malgré la poussière et l’humidité. Le presbytère était à l’avenant; c’était une maison de village avec de très petites fenêtres et très basse d’étage. Plusieurs fois, la commune songea à l’assainir et à l’augmenter, mais monsieur ROZELLIER s’y opposait toujours, disant que cela lui convenait ainsi : « Mais, monsieur le Recteur, lui disait mon père, vous ne serez pas éternel et vous devez tenir compte de vos successeurs . » Cette remarque le fit enfin consentir et l’on construisit le presbytère actuel. C’était en 1840. Mon père avait le plan et en surveillait l’exécution. Un jour qu’il s’y rendait, il trouva le père ROZELLIER dans sa future chambre regardant par la fenêtre d’un air fort préoccupé
Là-dessus, rire de mon père qui ne put jamais convaincre le bonhomme que, pour en venir là, le canon n’était pas nécessaire. Une autre fois, mon père, lui faisant une petite visite, lui dit : " Eh bien ! Monsieur le Recteur, est-ce que vous ne faites plus de vers que vous ne m’en parlez plus ? « Chut, répondit-il aussitôt en mettant un doigt sur sa bouche, j’ai lu dans mon journal qu’ils ont jeté un poète à la Seine . » Et il fut tout aussi impossible de le convaincre qu’il n’avait pas à craindre d’être jeté dans l’Aff par la canaille de Paris.
Cependant , il avait une grande confiance en mon père, témoin du fait suivant : notre église n’étant pas riche et ayant besoin de se remonter de tout, on raccommodait les ornements tant que la chose était possible. Un dimanche, mon père entre à la sacristie pour saluer le recteur, comme à l’ordinaire, avant la grand’messe.
Il demandait quelquefois en chaire l’avis de ses paroissiens et même du pied de l’autel. Un jour de fête, à la fin de la messe, il se tourna vers l’auditoire et dit : « Mes frères, je laisserais bien le Saint-Sacrement exposé, mais il faudrait qu’il restât quelqu’un. Restera-t-il quelqu’un ? « Répondez donc ? » Alors le sacristain, type soigné dans son genre, répond tout haut : " Ramassez-le, va, je vous dis, y ne restera personne." Et le curé remit l’hostie dans le tabernacle
Pendant qu’on faisait les réparations de l’église, il fallait un coq pour le clocher et un Saint-Esprit pour la chaire. Un jour donc, en chaire, M. ROZELLIER commence ainsi : « mes frères, il faudrait un coq pour notre clocher. » Il y en a de tous les prix; de combien le voulez-vous ? Répondez donc ! Vous ne dites rien ? Eh bien, je crois qu’un coq de tant nous suffira ! Puis il ajouta avec une égale simplicité : « J’attends aussi le Saint-Esprit, mais il n’est pas encore arrivé . »
Personne ne croyait plus que lui à l’Évangile, mais il avait une drôle de façon de l’expliquer à ses paroissiens. Un jour, parlant de la jeune fille ressuscitée par Notre-Seigneur, il dit : « Jésus écarta les joueurs de flûte, car, mes frères, il parait que, dans ce temps-là, on ne chantait pas le libera comme aujourd’hui. » Je n’en sais rien, mais toujours est-il qu’on jouait de la flûte autour des morts, car l’Évangile le dit .
Une autre fois, prêchant sur la Passion, arrivé au reniement de Saint-Pierre, il s’écria :
" Alors, mes frères, un coq qui était à la broche chez le Grand Prêtre chanta." Je ne sais s’il y eut beaucoup d’étonnements dans l’auditoire, mais ma grand-mère qui était présente à son banc, vis-à-vis de la chaire, eut bien de la peine à tenir son sérieux. Après la messe, elle dit au recteur : « Comment, Monsieur le Recteur, vous nous avez dit que le coq qui chanta après le reniement de Saint-Pierre était à la broche ! » Où avez-vous vu cela ?
Madame, l’Évangile ne le dit pas, mais c’est sous-entendu, car il y a eu un miracle, n’est-ce pas ?
Sans doute, puisque Jésus l’avait prédit.
Alors il fallait bien que le coq fût à la broche. Vous avez des coqs dans votre basse-cour et moi dans la mienne. Ils chantent toute la journée; où serait le miracle sans cela ? »
Il eût été difficile de le convaincre.
S’il avait une singulière façon d’expliquer l’Évangile, on peut croire que sa manière d’expliquer la politique ne l’était pas moins. Un jour, vers le milieu du règne de Louis-Philippe, il prophétisa dans sa simplicité. On parlait de la durée probable de son règne. « Ah ! » dit le père ROZELLIER, « il restera là quinze à dix-huit ans comme les autres. » Il est là pour marier ses enfants; quand le dernier sera marié, il s’en ira . » Plusieurs années passèrent pendant lesquelles M. ROZELLIER mourut. Enfin, le mariage du duc de MONTPENSIER arriva et mon père se rappela la prophétie du bonhomme. Or, quel ne fut pas son étonnement lorsque trois mois après, la Révolution de 1848 éclata et Louis-Philippe fut détrôné.
Le père ROZELLIER avait une bonne figure; il était naturellement gai et sociable. Cependant, il vivait comme un saint et allait chercher dans les vieux ordos les jeûnes supprimés pour les faire. Je l’ai vu tomber à l’autel à l’âge de 72 ans. Mais l’apoplexie ne fut pas foudroyante. Il put finir sa messe et ne mourut que huit jours après. Du reste, Dieu pouvait le reprendre sur l’heure, sa place était certainement marquée au Paradis.
J’ai souvent entendu citer une réponse que fit monseigneur de PANCEMONT, évêque de Vannes, à une personne notable qui lui disait qu’il était bien regrettable que messieurs tel ou tel, dans le genre du père ROZELLIER, aient été ordonnés prêtres. Le bon évêque lui répondit : « Que voulez-vous, mon cher monsieur, quand on manque de chevaux pour cultiver la vigne du Seigneur, il faut se servir des ânes; mais dans quelques années, tout sera réparé. »
Monseigneur de PANCEMONT n’en vit pas la fin; il fut remplacé par monseigneur de BAUSSET
Quoiqu’il en soit, Monseigneur AMELOT avait, à mon avis, encouru une terrible responsabilité.
Le plus notable des Chouans de la Bourdonnaye et du marais de Glénac était François Caillet, que nous ne tarderons pas à voir à l’œuvre. Il était né à Saint-Jacob, aux Fougerêts, en 1773, troisième fils d'un garde-gruyer [12] des de Rieux. Des deux frères aînés, l'un était entré dans les ordres; l'autre, élève à l'école de marine, acquit plus tard une réelle notoriété mathématique.
La tradition locale veut que le jeune François se soit mis dès la première heure à la disposition des prêtres fidèles et rappelle la messe dite dans une grange de Saint-Jacob, sous sa protection, par M. l'abbé Chantreau. De plus, le certificat très élogieux qui lui fut délivré sous la Restauration fait mention de ses services sous de Silz, c'est-à-dire en 1793.
Comment accorder ceci avec un renseignement précis et sûr; le père étant mort, François Caillet fut, au cours de l'été 1793, nommé par la Nation garde provisoire de la Forêt Neuve. Il est vrai qu'à ces dates, on n'en est pas à un paradoxe près et que la commune des Fougerêts spécialement en offre d'autres exemples. En tous cas, les vingt ans sonnèrent et le refus de partir vint faire de notre homme un hors-la-loi. Combattant actif et brave, il eut tôt fait de prendre un réel ascendant sur son entourage, et son degré d'instruction en fit plus tard l'intermédiaire indispensable du général de Sol.
Capitaine de paroisse d'abord, puis lieutenant de canton, il sut garder l'estime même des patriotes, qui jugeaient que sa modération était pour eux une réelle garantie. Aussi, lorsqu'en 1795, à l'enlèvement de La Gacilly, il fut fait prisonnier, le clan des bleus locaux facilita son évasion. Le fusil d'honneur, qui lui fut remis à la Restauration, existe encore chez ses descendants aux Fougerêts.
Un des frères Boutémy de Glénac qui s’était signalé comme un des premiers sous-lieutenants de Montméjean, de son vrai nom chevalier Montbrun Dupuy-Montjean, chef de la chouannerie dans le secteur de La Gacilly, Boutémy semble avoir eu les qualités d’un combattant de valeur.
C'est lui qui conta à mon oncle Armand de Gouyon plus d'un fait des débuts de la chouannerie, notamment l'affaire du Bois des Clos, où tomba M. de Cacqueray et où lui, Boutémy, commandait en second.
Il passa en Vendée et fit la campagne de 1794 ; il exerça plus tard un commandement sous les ordres de Stofflet. On le retrouve enfin comme officier subalterne au Pont du Loc’h sous Georges Cadoudal. Lui aussi fut, en 1795, arrêté dans je ne sais trop quelles conditions et aidé dans son évasion par les bleus de la Gacilly. Il mourut à Glénac sous la Restauration et touchait alors une pension.
Les frères Boutémy participèrent (d’après un certain témoignage) à la prise de La Gacilly par les Chouans.
Après le braconnier de la forêt, on pourrait prendre celui du marais : Jouvance, dont le rôle du début eût pu se développer, étant donné sa bravoure et son intelligence, mais qui, confiné à son marais, qu'il ne pouvait se résoudre à perdre de vue, ne fut guère qu'un agent, d'ailleurs précieux, de communications; facteur, passeur attitré, populaire, sans ennemi, même chez les adversaires, car c'est lui, dit-on, qui sauva Séguin de la Gacilly en 1795.
Né le 8 mai 1752 à La Gacilly, il est le fils de Jean-Marie Seguin et de Jeanne-Louise Grinsart ; il épouse Perrine Huet née à Nantes en 1753; de ce mariage, il eut un seul fils, Joseph-Jean-Martin né le 11 novembre 1779. Le 26 mai 1790, il est déclaré électeur pour la formation du département du Morbihan et membre du Directoire du district de Rochefort. Au début du mois de décembre 1790, il devient juge de paix du canton de La Gacilly, élection confirmée le 30 décembre 1790 par le Directoire du district. En bon républicain, et pour ne pas déplaire à ses amis révolutionnaires, Joseph-Marie Seguin achète des biens nationaux, il fut même parmi les premiers acquéreurs.
Le 5 avril 1793, notre juge de paix continue à acheter des biens nationaux puisque, d’après le registre de l’enregistrement et des domaines, il acquiert des meubles à la vente de la Gaudinais en Glénac pour la somme de 18 livres et 3 sols. Le 18 mai 1793, il continue à acheter des meubles à la Gaudinais conjointement avec un nommé Ricaud pour la somme de 80 livres et 8 sols appartenant au sire de Quélo, émigré. Le même jour, toujours avec le dénommé Ricaud, il acquiert, pour la somme de 110 livres et 16 sols, des meubles lors de la vente de la Forêt-Neuve appartenant au sire de Rieux, émigré.
Le 8 octobre 1815, J. M. Seguin donne sa démission de juge de paix auprès du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Vannes. Est-ce par fatigue morale ou par lassitude, ou n’est-ce pas la crainte, pour lui républicain convaincu, de retrouver la Royauté après l’Empire ? Il a donc accompli une longue carrière de juriste, d’abord comme notaire seigneurial, puis juge de paix, dans une période plus que troublée de notre histoire; il a surtout survécu à la Terreur alors que, dans sa position, il fallait très peu de chose, voire simplement une médisance, pour être déclaré suspect. Il ne semble pas avoir été inquiété par les Chouans, bien que la ville ait été plusieurs fois envahie et qu’il aurait très facilement pu faire l’objet d’une exécution sommaire comme plusieurs de ses concitoyens. Bien considéré par tous, toujours réélu dans ses fonctions, bien noté par ses supérieurs, c’était ce que l’on peut appeler, avec le sens que l’on donne à ce terme au XVIIIE° siècle, un honnête homme. Joseph-Marie Seguin est décédé le 12 juin 1824 à La Gacilly, il avait 72 ans.
La réaction de Thermidor avait donc amené une courte détente dont le pays aurait pu profiter. La porte des prisons s'était au moins entr'ouverte et c'est ainsi que, sur un certificat de civisme délivré par la municipalité de Glénac, Mme de Gouyon, mère, avait pu, avec ses deux filles, revenir près de sa bru à Sourdéac et quitter le sordide Josselin où tant de leurs compagnons de captivité étaient morts de la fièvre typhoïde.
Il en fut de même à Redon, pour quelques pauvres femmes; d'aucunes furent même renvoyées de Rennes; on voit par exemple Mme de Gibon rentrer chez elle et Mme Dondel, née Le Gouvello, ramener ses trois enfants au Parc Anger.
Parfois, les victimes de ces arbitraires châtiments obtenaient du pouvoir local des attestations d'innocence. Le maire et les officiers municipaux de Glénac certifiaient, par exemple, que les citoyennes Gouyon-Coipel, L. M. Desforges de la Gaudinais et M. L. Desforges, récemment emprisonnées,« s'étaient toujours comportées d'une manière à ne mériter aucun reproche ; que leur conduite, loin d'être suspecte, avait toujours été conforme aux lois et qu'elles avaient satisfait exactement au paiement de toutes les impositions et aux autres charges de la commune ». Ils attestaient de plus qu'elles étaient continuellement occupées à soulager les malheureux, non seulement en faisant des aumônes, mais en allant elles-mêmes visiter les malades. »
« Quels moyens de suspicion, concluait l'une de ces infortunées, peut-on avoir contre une fille âgée de soixante-douze ans, accablée d'infirmités et uniquement occupée du soin de son petit ménage ? » Elle a toujours mené une vie privée sans intrigues et sans cesser de faire des vœux pour la paix et le bonheur de sa patrie. On ne peut lui reprocher d'autres crimes que celui d'être née dans une classe ci-devant privilégiée. On ne préside pas à sa naissance. Le hasard l'a placée dans cette classe, est-ce un motif pour la priver d'une liberté dont elle n'a jamais usé pour mettre le trouble dans la société? L'humanité réclame en sa faveur, et ta justice, citoyen représentant, lui fait espérer l'élargissement qu'elle te prie de lui accorder. » Le citoyen représentant resta sourd à ces réclamations si fondées , car six mois plus tard, nous retrouvons ces trois malheureuses dans les cachots de Josselin.
« Nous certifions, disent à leur tour les municipaux de Glénac, que le sieur Daniel, incarcéré à Vannes, s'est toujours comporté en bon patriote depuis la révolution ; qu'il n'y a contre lui, à notre connaissance, aucun fait d'incivisme. Il est inexact notamment qu'il ait logé des prêtres et des réfractaires, car il n'occupe qu'un très petit appartement au rez-de-chaussée dans lequel il est impossible de cacher un individu. S'il leur a vendu à boire, c'est, croyons-nous, qu'il ne les connaissait pas. Aussi bien, la mésintelligence qui régnait entre lui et un autre cabaretier établi au même endroit est vraisemblablement le principe et l'unique cause de la dénonciation portée contre lui. Pourquoi donc le retenir plus longtemps dans des cachots qu'il n'eût jamais dû connaître ? »
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