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Personnalités - Histoire de Glénac

     

     

    Paul FEVAL

     

     

Bibliothèque Paul FEVAL

Paul Féval est né en 1816, à Rennes, où il passe les premières années de sa vie. La région va jouer un rôle dans son imaginaire, puisque l’auteur va par la suite régulièrement s’inspirer de la culture et du folklore bretons dans de nombreuses œuvres.

Dessin d’un livre -Il est chassé, en 1830, du lycée de Rennes et viendra chez son parent, le comte de Foucher de Careil à la Forêt-Neuve. Il passe une licence de Droit, s’apprête à embrasser la carrière d’avocat, mais après un échec dans ce domaine (qui n’est pas sans rappeler le destin d’une figure postérieure du récit de cape et d’épée, le Britannique Stanley Weyman), il quitte la région pour Paris, dans l’espoir de réussir dans les lettres.

Après des débuts littéraires difficiles (« Un duel sous l’eau », sa première nouvelle, paraît en 1837), il connaît le succès avec Le Club des phoques, roman se déroulant à Saint-Malo (paru dans La Revue de Paris), et surtout, à partir de 1843, avec la réécriture des Mystères de Londres de Reynolds. Dans ses propres Mystères de Londres, Paul Féval ne suit que très lointainement le modèle britannique. En réalité, il publie, sous le nom de Francis Trolopp, sa propre fresque des bas-fonds londoniens.

 

On y devine l’influence des Mystères de Paris d’Eugène Sue qui est paru en feuilleton à partir de 1842. Il y a dans les deux œuvres une même volonté de peindre les différentes couches de la société, une même représentation d’un espace urbain opposant la surface d’un monde connu des lecteurs et la réalité de ce même espace, exotique et inquiétante, comme dans Le Juif Errant (plus que dans Les Mystères de Paris) la société apparaît dirigée par des puissances occultes, toutes puissantes parce qu’elles sont cachées. Chez Paul Féval, il s’agit de la Grande Famille de Londres, société du crime à laquelle appartient le personnage principal, le marquis Rio-Santo. Rio-Santo lui-même, en dandy fashionable qui masque son identité véritable, n’est pas sans évoquer le Prince Rodolphe, héros des Mystères de Paris de Sue, même si, plus ambigu que ce dernier, il préfigure également Edmond Dantes (Le Comte de Monte Cristo de Dumas ne paraît que deux ans plus tard). Autour de la vengeance de l’irlandais Fergus (sous les traits de Rio Santo), c’est un portrait à charge de l’Angleterre qui est proposé. Reste que, si l’on retrouve l’influence de Sue, Féval paraît privilégier l’aventure au détriment du discours social (ce discours qui deviendra bientôt chez Sue un véritable discours socialiste).

Paul FEVAL Féval reprendra à plusieurs reprises le motif de l’opposition entre l’Angleterre et l’Irlande, par exemple dans La Quittance de minuit. Ce roman de la vengeance est également un roman du crime et de la machination, thèmes privilégiés de Paul Féval qui feront de lui, à plus d'un titre, l'un des précurseurs du roman policier. Il exploitera le filon du roman criminel durant toute sa première carrière littéraire (celle précédant sa conversion), aussi bien dans ses romans de mystères urbains (voir Les Habits Noirs), que dans les romans de mœurs souvent fondés sur des machinations (Jean Diable,1862, La Tache rouge, 1870, Le Dernier vivant, 1872) ou dans les romans historiques (Le Bossu est un roman de la vengeance et Le Mari embaumé, 1866, un roman de meurtre et de fausse mort se déroulant au XVIIe siècle). Il se moquera de cette veine florissante du roman-feuilleton dans un bref récit parodique, La Fabrique de Crime, 1866.

Un roman comme Le Fils du Diable (1846), œuvre qui s’inscrit nettement dans la tradition du romantisme noir, va encore accroître son succès.

Comme Dumas et Sue, Féval est désormais riche. Comme eux, il s’affiche dans le monde. Son succès va s’accroître régulièrement, mais condamner l’auteur à rester un feuilletoniste, un écrivain méprisé de l’élite. Dès la fin des années 1840, le feuilleton est attaqué par les gens de plume (à commencer par Sainte-Beuve) et les hommes politiques. S’il n’est pas leur cible privilégiée (on attaque plus volontiers Balzac, Dumas et Sue), Féval se voit, plus encore que ces trois auteurs mieux reconnus, cantonné dans la littérature de divertissement. Il varie certes les sujets, mais le fond et la forme de l’intrigue restent feuilletonesques, avec de très nombreux rebondissements, un rythme de l’action et de la narration très enlevée et une écriture qui ne renie pas les effets de pathos et la tonalité épique.

Œuvre majeure de Paul Féval, Les Habits noirs sera aussi l’un de ses derniers grands romans-feuilletons traditionnels de l’auteur. En faisant le choix d’une rigoureuse conversion à la suite de revers de fortune, Féval mettra un terme à ce cycle pour lui préférer des œuvres d’un tout autre type. C’est en 1875 que ce produit cette conversion, bouleversement profond dans l’existence de cet homme, qui se traduira par un changement radical de sa production littéraire. Jusqu’alors, Féval était conservateur et fervent pratiquant. Désormais, il se veut l’un des serviteurs actifs de l’église, combattant avec zèle pour son rayonnement. Dès lors, une bonne part des écrits de Féval visent à défendre l’église et à faire le portrait de ses plus grands serviteurs, les Jésuites. Il apparaît ainsi comme une apologie de la congrégation si souvent attaquée dans le roman populaire (à commencer par Eugène Sue dans Le Juif Errant et Les Mystères du Peuple). Quant aux Merveilles du Mont-Saint-Michel, il reprend dans une perspective religieuse et édifiante le style et les thèmes des récits bretons de l’auteur. Plus généralement, une grande partie de la production littéraire de l’auteur est consacrée à la publication des tracts religieux destinés au public des paroisses. Il réécrira également ses œuvres antérieures pour les accorder avec les dogmes de l’église. L’œuvre de l’auteur n’a alors plus grand-chose à voir avec l’esthétique du roman d'aventures.

l reviendra plusieurs fois à Glénac déac et il s’inspira de ces séjours pour écrire plusieurs livres :

Il séjourne également chez un autre oncle, Louis de Gouyon époux de Anne Louise de Kerven et beau-frère de Guillaume-Paul de Foucher. Le roman “Diane et Cyprienne“ s’inspire librement et s’appuie sur les lieux, les personnes, les familles de la région de Glénac. Paul Féval modifie seulement les noms, mais on devine qui se cache sous le patronyme de Pontalès ou de Penhoël entre autres. D’une certaine manière, Paul Féval sous prétexte d’aventures, règle aussi ses comptes et au besoin peut se montrer assez clairvoyant voire féroce pour décrire les rapports humains qui régissent la société.
  • Diane et Cyprienne dont l’action se passe autour de Glénac.
  • La Dame Blanche des Marais se passe aussi dans le secteur, car il parle des marais de l’Oust, tout près où l’Oust et une autre rivière (l’Aff sans doute) croise leurs courants et, d’un autre côté, on aperçoit les arbres de la Forêt-Neuve et de l’autre la rampe aride de Saint-Vincent.
  • Chouans et Bleus. Voici ce qu’il écrit : À une lieue nord-ouest de La Gacilly, au centre des plus épais taillis de la Forêt-Neuve, il existe une vaste clairière traversée par un ravin profond.

voir la suite : Nécropole Tumulairien

 

 

Dom Fulgence : Né Alexandre GUILLAUME.

 

Généalogie de GUILLAUME -

    Plusieurs ne savent, peut-être, pas qu'un habitant de Glénac et ancien vicaire de Lorient a failli devenir :
      • Cardinal, que s'il n'a pas revêtu la pourpre, c'est que, à l'exemple de plusieurs saints personnages, il s'est dérobé aux honneurs par la fuite.
      • Que la rumeur voulait le faire passer pour Louis XVII (voir histoire plus loin).

    Alexandre Guillaume

    naquit à Glénac en 1785, fils des défunts Joseph Guillaume et Julienne Morin, passa chez ses parents les dix-huit premières années de sa vie. Une lettre écrite, en 1869, par le recteur de Glénac, nous apprend qu'on ne l'avait pas oublié dans cette paroisse où réside toujours sa nombreuse famille.

    Comme il avait le désir d'être prêtre, il fit ses humanités en quatre ou cinq ans et son cours de théologie, au grand séminaire de Vannes. Ordonné prêtre le 23 décembre 1811, il parlait, dès le lendemain, pour Lorient, avec des lettres de vicaire. Il se rappela longtemps ce voyage, qu'il fit par un froid terrible, et la ville de Lorient, qu'il trouva ensevelie sous un manteau de neige.

    Après deux ans de ministère paroissial, il était appelé au séminaire de Vannes comme professeur de théologie.

    L'état religieux l'avait toujours attiré. Il voulut pourtant réfléchir encore, avant de donner suite à son projet, et nous le retrouvons au collège royal de Nantes, où il remplit les fonctions de censeur, avant d'y devenir professeur de philosophie.

    En 1822 ? Il avait pour élève le jeune de Lamoricière, et c'est là que commença à se former cette amitié qui fut la consolation de leur vie et qui ne finit que par la mort. Tous les deux quittèrent le collège de Nantes en même temps.

    C’est de Nantes qu’il vint à Bellefontaine en 1823.Il fut prieur du monastère sous dom Marie-Michel, et à la mort de celui-ci, il fut élu abbé.

    Dom Fulgence inaugura son gouvernement au milieu des troubles politiques. Lors du mouvement insurrectionnel de 1832, on soupçonne Bellefontaine d’avoir participé au soulèvement de la Vendée. Une circonstance particulière, jointe aux préventions qu’on avait déjà contre l’abbé, dont les opinions légitimes étaient bien connues, amena son arrestation.

    Dom Fulgence avait quelque chose de bourbonien dans la figure, une sourde rumeur l’ajoutait à la liste pas mal longue déjà des faux Louis XVII. Il fut amené à la prison de Cholet pour être de là transféré à celle d’Angers, puis à la Flèche, d’où, après un mois de détention, il fut rendu à la liberté.

    De retour à Bellefontaine, dom Fulgence gouverna tranquillement son monastère jusqu’au jour où il fut désigné pour remplir l’importante fonction de procureur général des trappistes (voir histoire plus loin), à Rome en 1844. Il fit preuve, dans cette nouvelle charge, d’une grande sagesse et d’une grande habilité dans les affaires. Que Grégoire XVI voulut le nommer cardinal et lui confier un poste qui demandait une prudence consommée. Le révérendissime Père en fut informé et, dès le jour suivant de grand matin, il quittait la Ville Éternelle, Ce départ retarda les projets du Saint-Père, qui, d'ailleurs, mourut peu de jours après. Rentré au monastère de Belle-Fontaine, en 1851, il dut reprendre la charge d'abbé, qu'il conserva près de 15 ans. Frappé de paralysie, il se démit de ses fonctions. D'ailleurs, il avait été éprouvé de toutes les façons, d'abord par la perte de plusieurs religieux distingués dont le concours lui était fort utile et, aussi, par la mort de Lamoricière qu'il avait tant aimé et depuis si longtemps.

    C'est en 1869, quand il avait 84 ans, qu'une dernière attaque mit fin à ses jours. Quand on le descendit dans la fosse, son corps demeuré flexible se replia en deux, à la grande émotion de tous les assistants qui avaient une si haute opinion des éminentes vertus de l'Abbé défunt.

    Mgr Angebault, son évêque et son plus vieil ami, qu'il avait autrefois connu à Nantes, était venu présider à la sépulture, ainsi que plusieurs abbés des monastères voisins.

    Voilà le chemin que parcourut le T.R.P. Fulgence, ancien vicaire de Lorient. Une telle vie mériterait de plus longs développements ; je n'en ai marqué que les diverses étapes, estimant que les faits parlent d'eux-mêmes et avec plus d'éloquence que les paroles.

    L'abbé Em, Perrin,

    Source : La Semaine religieuse du diocèse de Vannes, 1902, mai , 24 mai

    Alexandre Guillaume : Trapiste

    Le souverain pontife nomma Dom Antoine, abbé de Melleraye, visiteur des Trappistes de France, après la mort du frère Augustin. Il voulut qu'il entreprît sans délai une visite générale et qu'il envoyât le procès-verbal à Rome le plus tôt possible. Dom Antoine se transporta dans toutes les maisons auxquelles il fit sentir la nécessité de se réunir et d'embrasser un genre de vie uniforme ; mais ceux qui suivaient la réforme de l'abbé de Rancé lui témoignèrent qu'ils n'ajouteraient rien à leurs austérités ; ils citaient l'excuse de leur réformateur, ce qui était sans réplique. Ceux qui suivaient le règlement de la Val-Sainte voulaient persister également de crainte de tomber dans le relâchement. Du reste, ils étaient tous disposés à se soumettre à la décision du Saint-Siège, qu'ils attendaient avec une sainte impatience. Dom Antoine fit son rapport, et six ans se passèrent, sans que Rome voulût se prononcer.

    Les religieux de Bellefontaine se lassèrent d'attendre. Leur abbé actuel, Dom Fulgence (1), successeur

    immédiat de Dom Marie-Michel, se décida à faire le voyage de Rome : il alla voir le père Antoine, abbé de Melleraye, et lui demanda l'autorisation d'exécuter son projet. Il obtint ce qu'il souhaitait et fut même chargé de recommandations pressantes tant du père Antoine lui-même que de divers autres prélats. Mgr évêque d'Angers fut le prélat qui montra le plus d'empressement à seconder les démarches de Dom Fulgence et à lui donner des lettres de recommandations. L'abbé de Bellefontaine lui fit sa visite et fut reçu avec joie par le prélat, dont les paroles respiraient la plus tendre affection pour la Trappe. L'évêque témoigna à l'abbé son vif désir de voir terminer heureusement une affaire entamée depuis longtemps et toujours suspendue par la sage lenteur du Saint-Siège.

    L'abbé de Bellefontaine alla voir aussi dom François d'Assise, supérieur de la Trappe du Port-du-Salut près de Laval, pour lui demander son avis sur la question de savoir s'il convenait de supprimer la planche, d'accorder aux religieux une autre boisson que de l'eau, etc., etc. L'abbé de Laval s'exprima franchement ; à la prière de Dom Fulgence, il mit son avis par écrit. Celui-ci se rendit ensuite à Paris pour communiquer l'affaire à Mgr de Quélen qui lui répondit qu'il entreprenait une chose fort difficile et ajouta qu'il doutait beaucoup qu'il pût réussir. Rome, continua le prélat, a reçu trop d'avis défavorables à vos grandes austérités pour qu'elle se prononce dans votre sens. Dom Fulgence lui répondit qu'il ne demandait pas du pape qu'il approuvât les austérités de Dom Augustin de l'Estrange qu'on pratiquait dans quelques maisons ; qu'il désirait seulement une décision, et que lui et ses religieux obéiraient à tout ce qu'il plût au souverain pontife d'ordonner, sachant bien que c'était la seule voie sûre pour plaire à Dieu. Mgr de Quélen fut charmé de ce discours et des dispositions de Dom Fulgence.

    L'abbé de Bellefontaine crut qu'il devait voir aussi l'abbé de la Grande-Trappe, Dom Joseph-Marie, dont les religieux suivaient comme ceux de Bellefontaine la réforme de Dom Augustin de l'Estrange. Son avis était qu'il valait mieux attendre tout du temps et que, puisque le souverain pontife ne désapprouvait point cette réforme, il conviendrait de continuer les austérités sans presser la décision. Il se rendit toutefois aux raisons de Dom Fulgence. Avant son départ, celui-ci avait eu soin d'ordonner à sa communauté de ne point cesser pendant tout le temps qu'il traiterait cette affaire à Rome d'implorer l'assistance du Ciel afin qu'elle se terminât à la plus grande gloire de Dieu. C'est ce que fit aussi l'abbé Joseph-Marie, tant il s'intéressait souverainement à l'heureuse issue de l'affaire.

    Dom Fulgence se mit en route pour Rome, muni des recommandations qu'il avait obtenues pour différents prélats de la cour pontificale ; il fut bien reçu partout ; chacun lui promit aide et protection, non seulement pour son monastère, mais encore pour tous les Trappistes en général. La congrégation des réguliers s'occupa sérieusement de l'affaire ; le Pape nomma trois cardinaux qui, pendant trois mois, y travaillèrent sans relâche avec dom Fulgence.

    Celui-ci eut la consolation d'entendre dire partout qu'on serait heureux de l'aider et qu'on le servirait en ami, que la pénitence des Trappistes était l'édification de l'Église ; qu'on désirait beaucoup la maintenir et encourager ces religieux par des marques éclatantes de bienveillance et de protection ; qu'il ne fallait pas cependant qu'ils se condamnassent à des pénitences extrêmes ; qu'il faut en toutes choses, même au service de Dieu, de la modération et des bornes qu'il est dangereux de franchir.

    Dom Fulgence, qui observait à Rome la règle aussi exactement que dans son cloître et qui avait toujours un air gai et une conversation fort intéressante, prouvait par son exemple que les austérités de la Trappe ne sont pas un joug insupportable, qu'il est au contraire doux et léger ; il contribua aussi par sa conduite plus encore que par ses démarches à la décision favorable des cardinaux rédigée en forme de décret, laquelle fut soumise à Sa Sainteté et approuvée par elle.

    Avant de rien conclure, le souverain pontife voulut que l'abbé de la Grande-Trappe vint à Rome, afin que tout se fît de son agrément et que rien ne manquât à cette décision si importante de tout ce qui pouvait la rendre ferme et stable et, en même temps, chère aux Trappistes. L'abbé de la Trappe ayant été consulté, il trouva le décret fort sage et avantageux aux Trappistes et tel qu'ils pouvaient le souhaiter. Alors seulement le pape Grégoire XVI, actuellement régnant, y mit le sceau de son approbation à la grande satisfaction de tous ceux qui s'intéressaient à la Trappe.

    Ce fut le premier octobre 1834 que le pape porta ce décret. Le souverain pontife rappelle la règle de saint Benoit et les institutions de l'abbé de Rancé comme les seules que les Trappistes doivent observer désormais, laissant aux monastères la liberté de s'en tenir à ce qu'ils ont pratiqué jusqu'ici pour les jeûnes et le travail, c'est-à-dire que ceux qui observent les jeûnes de l'abbé de Rancé continueront de les garder, comme ceux qui pratiquent les jeûnes de saint Benoit ont aussi la faculté de les suivre. Les abbés de la Grande-Trappe et de Bellefontaine, contents et heureux de leurs succès, quittèrent Rome pour rentrer dans leurs monastères, où ils mirent de suite à exécution le décret de Grégoire XVI. Ils reçurent à Paris et partout où ils rencontrèrent des amis des Trappistes des félicitations sur l'heureuse issue d'une affaire qu'ils croyaient ne pas devoir se terminer de sitôt. Leurs religieux se montrèrent de dignes enfants de saint Benoît par l'obéissance prompte et docile qu'ils témoignèrent lorsqu'on leur lut le décret. L'obéissance avant tout et par-dessus tout, Rome a parlé, c'est fini, plus d'incertitude sur ce que nous avons à faire, se dirent-ils.

    Il est évident maintenant que nous ne devons plus craindre de coucher sur la paillasse, de prendre un repas, un peu de cidre ou de la bière. Ils se rappelèrent ces paroles remarquables de l'Écriture sainte : Melior est obedientia quam sacrificium ; l'obéissance est préférable aux macérations corporelles, et il leur fut doux de se soumettre. Ils firent ainsi deux actes d'un grand mérite aux yeux de Dieu, celui de désirer seulement ce qu'il ne leur était plus permis de pratiquer et celui de s'en abstenir par obéissance. Le Ciel bénit ces dispositions par un surcroît de grâces qu'il leur accorda et par une surabondance de faveurs spirituelles.

    Ils ont appris par leur propre expérience qu'on obtient tout par l'obéissance. En effet, leurs monastères sont des modèles de régularité ; la ferveur et la pénitence y règnent si bien, elles sont si solidement établies parmi ces heureux cénobites qu'ils n'ont pas à regretter les austérités qu'ils ont laissées depuis la publication du décret de Grégoire XVI, ce silence éternel qu'ils observent, ces racines dont ils se nourrissent, ces grands jeûnes qui sont les mêmes que ceux des premiers anachorètes, cette obéissance sans bornes, qui leur est si chère, cette humilité qu'ils pratiquent sans cesse, tout cela édifie assez l'Église et est assez capable de les sanctifier sans recourir à d'autres mortifications. [1]

    Trappiste et faux Louis XVII

    En mars 1869, les journaux reproduisirent à l'envi la nouvelle suivante[2]

    Il y a bien des années, un homme arriva, par une nuit sombre, à Bellefontaine, couvent des Frères trappistes situé à deux lieues de Cholet. Il était accompagné d'une personne qui remit au supérieur une cassette, avec la recommandation expresse de ne l'ouvrir qu'à la mort de son compagnon, qui désirait terminer ses jours dans cet asile de paix. À cette époque seulement, on devait connaître son nom et les détails de son existence. Or, ce religieux, dont la physionomie offrait les traits frappants de la physionomie des Bourbons, vient de mourir il y a deux jours, et il se trouve ici bon nombre de gens qui affirment que les papiers trouvés dans la cassette ont établi d'une façon authentique que le religieux qui vient de succomber est bien Louis XVII.

    « Ce que je puis vous affirmer, c'est que le corps a été embaumé que les obsèques n'auront lieu qu'à la fin de la semaine et que plusieurs évêques et une foule de personnes se sont déjà rendus à Belle-fontaine pour voir le Trappiste, qui est exposé à tous les yeux et auquel on attribue une si illustre origine.

    En vain, l'acte de décès du P. Fulgence[3] protestait-il contre cette prétendue origine en vain, le nouvel Abbé crut-il devoir désavouer, dans une lettre publiée dans le journal de Cholet les circonstances romanesques dont on avait embelli la vie et la mort de son prédécesseur; le pli était pris, et nombre de personnes dans le pays et au loin s'entêtèrent à considérer le P. Fulgence comme le fils de Louis XVI, encore que sa mort fût un démenti positif aux prophéties qui annonçaient son triomphe définitif, et qui avaient, il faut. bien le dire, contribué à alimenter la crédulité populaire autant et plus peut être que la physionomie Bourbonnienne [4]ou les autres particularités matérielles invoquées par les divers Prétendants.

    En réalité, le P. Fulgence s'appelait tout simplement Guillaume de son nom de famille. Il était prêtre. Il avait professé la philosophie avec distinction. Entré à la Trappe, sa piété et son mérite l'avaient porté à la dignité d'abbé. Des hommes considérables du parti légitimiste, qui l'avaient connu dans le monde, avaient gardé avec lui d'étroites relations et lui faisaient de fréquentes visites qui ne contribuèrent pas peu à appeler l'attention sur sa personne. Il faut l'avouer, d'ailleurs, le père Fulgence croyait fermement à l'existence de Louis XVII et, parmi les prétendants à ce titre, il penchait hélas pour Richemont. De là, dans son langage, des réticences et des précautions mystérieuses qui excitaient la curiosité de ses interlocuteurs. La mort de Richement et de ses compétiteurs, en donnant un démenti aux prophéties dont se nourrissait la confiance du P. Fulgence, l'attrista profondément. Il garda sa foi dans l'inexistence de Louis XVII, mais sans oser la propager, également embarrassé pour accueillir ou pour repousser les confidences des fidèles, répondant par un sourire triste et muet à leurs questions, même à celles qui le concernaient personnellement, et ajoutant ainsi, sans le vouloir, à l'intérêt mystérieux dont il était l'objet et qui se manifesta surtout après sa mort.

    Tels sont les renseignements que nous avons puisés dans le pays même, aux sources les plus respectables, et dont nous pouvons affirmer l'authenticité.

    Sources :

    ] Dom Fulgence professait la philosophie dans un séminaire de Bretagne lorsqu'il résolut de partir pour la Trappe. Son goût décidé pour une vie pénitente et austère ne lui permit pas de rester dans le monde, où il aurait pu occuper un poste distingué ; car Dom Fulgence est rempli de savoir et de moyens. Convaincu que Dieu l'appelait à la solitude, il n'hésita pas un instant et renonça à tout pour marcher à la suite des saints pénitents du désert. Il alla à la Grande-Trappe, où sa conduite exemplaire fut constamment l'édification de cette communauté qu'il dirigea quelque temps en qualité de prieur.

    Envoyé à Bellefontaine et devenu aussi prieur dans cette maison, il fut élu à l'unanimité pour remplacer l'abbé Dom Marie-Michel, décédé peu après sa promotion à la dignité d'abbé. [1]

    [2] Journal d’Alençon, 11 mars 1869 ; Figaro, 12 mars, etc.

    [3] Acte de décès de Guillaume (Alexandre), 28 février 1869. L'an mil huit cent soixante-neuf, le premier mars, a été dressé l'acte de décès du nommé Guillaume (Alexandre Joseph), prêtre, domicilié à l'abbaye de Bellefontaine, commune de Bégrolles, canton de Beaupréau, arrondissement de Cholet (Maine-et-Loire), décédé au dit Bellefontaine le vingt-huit février mil huit cent soixante-neuf, à dix heures du soir, âgé de quatre-vingt-trois ans, né (le 9 novembre mil sept cent quatre-vingt-cinq) à Glenac (Morbihan), fils des défunts Joseph Guillaume et Julienne Morin. » Extrait des registres de mairie de Bégrolles

    [4] Le visage du P. Fulgence offrait un type bourbonnien très marqué, qui aida beaucoup au succès du portrait photographié que l'on répandit après sa mort et qui n'était peut-être qu'une spéculation. « La fantaisie qui a fait du P. Fulgence Louis XVII n'était basée que sur le nez charmant tout bourbonnien du Saint Trappiste (V. de Stenay, p. p160). » Le même auteur ne se gêne pas pour en faire un intermédiaire entre le pape et Naundorff, en 1848.

     

     

    Aymar de Quengo de Tonquédec

     

    Né le 31 mars 1867 à Sourdéac en Glénac et décédé à le 14 Février à Sousse en Tunisie

    Château du Haut de Sourdéac -

    Sceau de la Famille de TONQUEDEC
     
     
    Parents

    Ferdinand de Quengo de Tonquédec et Eugénie de Gouyon-Coypel

     

     
     
    Mariage

    Marié le 28 aout 1900 à Vannes avec Claire Brochard de la Rochebrochard

    Carnet de Mariage

    Une affluence considérable se pressait ; la cathédrale de Vannes, mardi matin, pour assister au mariage de M. de Tonquédec Aymar, lieutenant. d'infanterie de marine, chevalier de la Légion d'honneur, avec Mlle Caire de la Rochebrochard d'Auzay.

    La bénédiction nuptiale leur a été donnée par R.P de Carheil, Eudiste, dont la touchante allocution a été fort remarquée.

    Les témoins étaient : Pour M. de Tonquédec, MM. Urbain de Tonquédec et Hugues de Chantérac, ses oncles et cousin ;

    pour Melle de la Rochebrochard, le comte Georges de la Rochebrochard et le comte de Terves, ses oncles.

    Le Morbihannais est heureux d'associer ses félicitations à celles qui ont été exprimées et ses vœux à tous ceux qui ont été formés unanimement en faveur des jeunes mariés.

    Lieutenant de Tonquédec(1)

    Lieutenant de Tonquédec À l'époque où Marchand traversait tout le centre de l'Afrique, le ministère des colonies, afin d’assurer les communications entre cette mission et plus spécialement pour établir notre protectorat sur le Bahr et Gazal, envoya dans cette région un fort détachement sous les ordres du capitaine Roulet et du lieutenant de Tonquédec

    Etabli d’abord au fort Desaix, le lieutenant reçut la mission de partir avec soixante hommes pour aller créer des postes échelonnés dans la direction du Haut-Nil

    Cet officier, on le voit, n’était pas l’arrière garde de Marchand ; avant -garde de colonne Roulet, il assurait la liaison entre ce dernier et le poste de Fachoda.

    Après le départ du commandant Marchand qui, par ordre, dut abandonner Fachoda, et la convention intervenue entre la France et l’Angleterre, le lieutenant de Tonquédec reçut à son tour l’ordre d’abandonner son poste et revint par le Nil.

    Comme témoignage d’admiration, les compagnons du vaillant officier breton ont décidé de lui offrir en souvenir un sabre d’ordonnance, au moyen d’une souscription que vient d’ouvrir le journal la Démocratie de l’ouest, sur l’initiative d’un ancien marin de commerce, le commandant Servan Nous nous associons de grand cœur à la pensée de ce brave officier ;Ajoutons que les souscriptions ne peuvent dépasser la somme de 1Fr.

    (2) Le lieutenant d’infanterie de marine de Tonquédec est nommé chevalier de la légion d’honneur.

    Voir plus loin : vie Lieutenant de Tonquédec

    Madoutt et  Fatouma

    Ce sont deux jeunes Noirs du (3) Bahr-er-Gazal, qui ont suivi en France le lieutenant de Tonquédec, un des braves compagnons du colonel Marchand.

    Sauvé par lui de l'esclavage, Madoutt lui avait dit, au moment du retour, dans un français primitif que nous traduisons : —. Je suis à vous; partout où vous irez, j'irai.

    Mais il y avait Fatouma-. une jeune négresse que Madoutt avait épousée là-bas.--Ni l'un ni l'autre n'était chrétien. Le lieutenant permit à Fatouma d'accompagner Madoutt, Et ils vinrent dans le Morbihan, à Glénac-, ou habile la famille de notre vaillant compatriote, C'étaient deux âmes neuves que n'avait point faussées une civilisation sans Dieu; Le bon exemple, la reconnaissance qui parle aux bons cœurs et leur droiture naturelle devaient les amener à la lumière, Mme et MIle de Tonquédec, la mère et la sœur de l’officier, se firent, avec un zèle de tous les instants, les catéchistes des deux Africains» Ce qu'il leur fallut de patience pour faire entrer la vérité dans ces esprits incultes, doués heureusement d'une. vive intelligence, ; on le devine sans peine, Mais leur bonne volonté répondit au zèle de leurs protectrices et, au bout de quelques mois, ils étaient au courant des vérités essentielles de la religion.

    Ils avaient parfaitement saisi et ils aimaient ces choses si nouvelles pour eux, Aux questions qui leur étaient posées ils répondaient, non à !a manière des enfants qui récitent la lettre du catéchisme sans toujours bien comprendre, mais avec des explications. très nettes et très claires, que Madoutt complétait par des gestes très expressifs

    Certificat de Baptême de Marie FATOUMA -

    Le 1er août 1900 fut. Pour eux un grand jour. Ce jour-là, dans l'église paroissiale de Glénac, où se pressaient un grand' nombre de prêtres et de fidèles, M, le Curé de Bains , une paroisse voisine, du diocèse de Rennes leur administra solennellement le baptême, où ils reçurent les noms de Paul de Marie. Ils eurent pour parrain le vaillant officier à qui ils doivent leur salut, et pour marraine Mlle Claire de la Rochebrochard qui sera, dans quelques jours, Mme de Tonquédec.

    Certificat de Baptême de Paul MADOUT

    Le bon recteur de la paroisse procéda ensuite à leur mariage chrétien, et ils reçurent pour la première fois le sacrement de l'Eucharistie. Celte triple cérémonie laissera un profond souvenir parmi les paroissiens de Glénac.

    Que Dieu bénisse les protecteurs et les protégés !

     

    Vie Lieutenant de Tonquédec

    (Lieutenant-colonel) (1867-1943) Officier-explorateur sur le Haut Nil en 1898-1899.

    Naissance

    Le 31 mars 1867, naît à Glénac, près de La Gacilly en Morbihan, Aymard Armand Jacob Marie de Quengo de Tonquédec, fils de Ferdinand et de dame Eugénie Marie Angélique de Gouyon de Coipel. Engagé volontaire à 19 ans au 2ᵉ régiment de l'infanterie de marine. Devenu sergent, il fait campagne au Tonkin avec le 2 R.T.T, d'août 1888 à mai 1890. Élève-officier à Saint-Maixent, il est promu sous-lieutenant en mars 1894 et envoyé à Madagascar, au régiment de tirailleurs malgaches, de mai 1895 à octobre 1896, puis, comme lieutenant, au Sénégal, en juillet 1898, pour rejoindre le Congo et le Sud Soudan, d'août 1898 à février 1900. Une dépêche du B.C.A.F. (novembre 1899) annonce qu'au cours d'un engagement avec les rebelles Dzingué, il fut « blessé à la hanche assez grièvement d'un coup de sagaie ».

    En permission à Brest, au R.I.M., il épouse, le 27 août 1900, demoiselle Marie Georgette Claire de la Rochebrochard d'Auzay, née le 8 janvier 1873, qui, au fil de ses différentes affectations, lui donnera six enfants : Louis (1901), Robert (1903), Yves (1905), Monique (1907), Jacques (1908), Yvonne (1911).

    Envoyé au bataillon de La Martinique, de mai 1901 à juillet 1903. Il y est promu capitaine en juillet 1902. Il demande alors un congé de trois ans pour étudier un gisement de carbonate de fer qui se trouve dans sa propriété de Sourdéac, près de Redon, et en commencer l'exploitation. Il est réaffecté à Diego-Suarez au 3ᵉ régiment de tirailleurs malgaches, d'avril 1907 à octobre 1908. Il choisit alors de se consacrer à sa mine et prend sa retraite le 1ᵉʳ novembre 1908, à 41 ans.

    Promu toutefois chef de bataillon en avril 1912, il reprend du service en août 1914 au 76ᵉ régiment territorial. Blessé par une balle de shrapnel, le 30 octobre 1914, il est promu lieutenant-colonel en mai 1915. De caractère entier, quelque peu critique et indiscipliné, ayant alterné vie militaire et vie civile, il est relevé de son commandement au 73ᵉ régiment d'infanterie qui vient de subir une attaque aux gaz asphyxiants lors de la 2ᵉ bataille de l'Yser. « Vient de tenir des propos inconsidérés et calomnieux sur ses supérieurs (il fut puni de 15 jours de forteresse pour avoir dit : « Si on a vu quelquefois le général de brigade dans les tranchées, on n’y a jamais vu le général de division »), manque de pondération, il devient impossible de le maintenir à la tête d'un régiment. » Il n'avait probablement pas tort, mais, en temps de guerre…

    Rayé des cadres depuis quatre mois, il demande sa réintégration le 10 septembre 1916, depuis Croix-de-Vie en Vendée. Transféré à la réserve active le 26 septembre 1916, il est affecté au camp de Fréjus, puis au 7ᵉ colonial, pour former les bataillons de tirailleurs sénégalais destinés à l'armée Mangin. En juillet 1917, il commande le camp de Saint-Médard, avant d'être définitivement rayé des cadres en octobre 1917 et de se retirer à Nantes (24, rue de Strasbourg). En septembre 1939, âgé de 72 ans, il effectue une demande d'engagement volontaire qui lui est refusée « faute de vacances ». Le 14 février 1943, il décède à Sousse, en Tunisie, près de son fils aîné, après une courte maladie.

    « Au pays des rivières » sur le Haut Nil

    Afin de ne pas raviver la question de Fachoda, les missions Roulet et de Tonquédec reçurent à leur retour des consignes formelles de silence. A. de Tonquédec attendit 1931, soit quatre ans après le décès de son supérieur E.Roulet, pour publier ses souvenirs du Haut Nil, sous un titre aussi peu explicite que passe-partout ! Curieusement, le préfacier en est l'industriel André Citroën qui vante le changement survenu en trente ans : « L'automobile poursuit la pacifique conquête de la forêt vierge.

    Demain, grâce au moteur, le portage ne sera plus qu'un souvenir ». Il présente La mission du colonel de Tonquédec comme une mission autonome, alors que le jeune lieutenant de Tonquédec devait seconder le capitaine Roulet qui n'est évoqué qu'a minima, de même que les différences de tempérament et d'interprétations entre les deux hommes.

    Son récit est publié tel qu'il ressort de son journal de route. Sans reprendre la relation de la longue et dure remontée du Congo et de l'Oubangui (cf. mission Marchand), A. de Tonquédec quitte Bordeaux le 12 juillet 1898. R. Co1rat de Montrozier relate (1902) l'avoir accompagné entre Bangassou et Rafaï lors de sa marche vers le Nil. A. de Tonquédec ne débute son récit que lors de l'arrivée de la mission, le 13 février 1899, sur la rivière Soueh à Kourchouk-Ali, baptisé Fort Desaix, devenu aujourd'hui Wau. Il sait que la mission sera périlleuse : déjà quatre officiers sont morts : Perrot et Hossinger, « assassinés par leurs hommes », Gouly et Thorel morts de bilieuse. « Il est une monnaie d'échange dont il est pénible de parler… c'est la femme… » Je pus m'en procurer douze et cinq fillettes (l'une était une Bambara, enlevée des bords du Niger et amenée via Zinder et Khartoum)… achetées aux chefs voisins… J'espérais qu'elles pourraient me guider et qu'en les rendant comme cadeaux à leurs anciens maîtres ou parents, je me ferais bien voir… et aussi 42 porteurs, mais ceux-ci en location seulement » !

    Parti, le 30 mars 1899, vers l'est et le Nil, il évoque une végétation soudanaise (karité), une faune encore très riche de lions, girafes, hippopotames, éléphants, antilopes, … mais aussi « des affleurements fort nombreux de minerais d'oxydes de fer » (cf. cuirasses latéritiques).

    Le 25 avril, à M'Bia, il trouve son chef de mission, le capitaine Roulet. « Il était parti pour joindre le Nil, mais, nommé commandant supérieur des troupes du Haut-Oubanghi, il avait dû se replier vers l'ouest. » Le 7 juin, le village Roumbek s'est vidé et pillé. « Le 9 juin, je prenais congé du capitaine Roulet qui retournait … me donnait le titre et les fonctions de commandant du Cercle de Rhol (un affluent du Nil), avec mission d'explorer et d'organiser tout le pays vers l'est. »

    Enfin, un moment d'émotion : « C'est ici Gaba-Chambé (devenu Shambé).

    Devant nous, la vue s'étend à l'infini sur tout l'horizon. Le Nil coule très large : deux à trois kilomètres d'eau puis une ligne de « papyrus ». Le chapitre s'intitule : « Le drapeau français sur le Nil », mais l'auteur ne précise pas que le poste a été fondé trois mois plus tôt par Roulet qui y a laissé le sergent Salpin ! De Tonquédec envoie ce dernier fonder un poste : Abou-Kouba, à quarante-cinq kilomètres en amont. Il assoit son pouvoir en prédisant, grâce à un calendrier, une éclipse de lune ! La vie s'organise, la chasse : « nous tuions seulement pour nous nourrir. « Il était inutile de tuer pour le plaisir. »

    Néanmoins, le sergent Salpin qui s'était distingué près de Zémio en tuant « un éléphant dont chacune des pointes pesait près de 100 kilos, leur longueur était de 2,54 mètres » … « tua treize hippopotames dans une mare ! » Il est vrai que la faune abonde : crocodiles, panthères, autruches, éléphants, pythons, « chimpanzés, gorilles (sic !), babouins… vivaient en bonne harmonie avec nous ».

    Surprise réciproque, le 1ᵉʳ août, un vapeur belge, le Vankerchoven (en réalité Van Kerckhoven) descend le Nil (venant de l'enclave de Lado). Le 19, il repasse avec un officier anglais, M. Gage : « Ce n'est que le 9 octobre que nous parvint la note officielle du gouvernement. « Nous devions revenir chez nous » (de Tonquedec ne précise pas qu'il devait se replier formellement vers le Congo !). « Ce fut la voie du Nil qui fut choisie. » Il ajoute plus loin : « Si la mission Marchand avait pris mon itinéraire, elle aurait eu tout le temps voulu pour faire sa jonction avec les Abyssins avant que les Anglais ou les Égyptiens eussent pu la joindre. » On pourrait dire tout aussi bien : si la mission Marchand avait réussi, il y aurait aujourd'hui deux Soudan, l'un musulman, l'autre animiste christianisé, comme cela se profile à l'horizon 2011 !

    Le 26 novembre, la mission embarque avec 6 à 8000 kg d'ivoire, faute de numéraire ; surchargés, ils doivent en jeter une grande partie. Dévorés par les moustiques, ils tuent « un baleiniceps-rex, énorme échassier spécial aux marais du Nil ». Il s'agit du Balaeniceps rex. Ils avaient voulu éviter le retour à pied, mais la descente du Nil s'avère très difficile. Le chenal n'ayant pas été entretenu pendant la révolte mahdiste, ils mettent 59 jours à franchir les barrages herbeux de « sedd » dans les marais : « Nous avons battu tous les records de navigation en eau douce en restant un mois en rivière, sans voir la terre. » Enfin, le 24 janvier 1900, la « mission de Tonquedec » passe à Fachoda (où le capitaine anglais lui remet une lettre de Marchand datée du 10 décembre 1898 !). Le 7 février, elle parvient à Ondurman en face de Khartoum. Elle y est reçue aimablement par le Sirdar.

    Dans sa conclusion, écrite en 1931, l'auteur conclut : « Quant à la mission Marchand, on ne m'enlèvera pas de l'idée qu'elle avait été envoyée par le gouvernement français moins avec une idée de conquête que pour soulever un règlement définitif des questions coloniales : îles de Los, Nouvelles Hébrides et surtout Maroc » !

    Enfin s'ajoute un relevé des observations météorologiques faites à Gaba-Chambré de juillet à octobre 1899.

    L'ouvrage de Tonquédec est agréable à lire, mais il ne faut pas oublier que la mission de Tonquédec n'a existé que parce qu'elle s'est dissociée de la mission Roulet dont le rôle et les ordres ont été quelque peu occultés. Roulet étant décédé depuis 1927, sa veuve suscita probablement un auteur de romans et de biographies historiques, Albert Pierre Paluel-Marmont, pour recadrer les faits à partir des documents conservés ! G. Bruel (1933), lorsqu'il rendit compte de cet ouvrage, insista sur les intrigues basées sur le « droit » du premier occupant. Celles-ci furent poursuivies dans le Bar-el-Ghazal par le roi des Belges, Léopold II, jusqu'à la convention du 9 mai 1906, qui réduisit ses « droits » à l'occupation temporaire de l'enclave de Lado ! La réédition en 2005 de l'ouvrage de Tonquédec est accompagnée d'une « présentation » par son petit-fils, le général de corps d'armée (c.r.) Pierre de Tonquédec, et de « commentaires additionnels » du lieutenant-colonel Antoine Champeaux, conservateur du musée des troupes de marine à Fréjus. Ce dernier insiste avec justesse sur les difficultés de communication entre des détachements isolés au fin fond du continent africain à la fin du XIXᵉ siècle.

    Leurs chefs devaient faire preuve d'initiative : « Les renseignements, ou pire, les ordres qu'(un message) contient doivent être interprétés et adaptés par le destinataire, avec, bien entendu, un grand risque d'erreur. » C'est ainsi que de Tonquédec « croit agir dans l'intérêt de tous » en rentrant par le Nil vers le nord, alors que Roulet, son capitaine, lui avait donné « un ordre sans équivoque » : il devait se replier vers l'ouest.

    signé : Yves Boulvert

    VOIR : Albert CHEVALIER

    Sources :

    1. Courrier Morbihannais 1900 avril 22
    2. Le Nouvelliste du Morbihan mars 18
    3. La Semaine religieuse du diocèse de Vannes –1900 Août - 25 août

     

     

     

     

     

     

     

     



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